Jägichnubel en traversée

Rien que le nom… “Jägichnubel”, il m’a fallu au moins regarder 20x le topo pour arriver à prononcer le projet qu’on s’était fixé. Quant au topo… Il faut se lever tôt pour le chercher, et au vu du peu des récits, il est clair que cette traversée allait rester sauvage, loin de la foule et des courses-autoroutes, le tout sur un bon rocher et dans une vallée que je trouve incroyable – le Lötschental… GO pour le Jägichnubel !

Il y a l’option “on bourre et on le fait à la journée” ou l’option “on prend le temps sur 2 jours et on hypothèque notre appartement pour la nuit en cabane à la Anenhütte. »

Avec les 1400m de dénivelé, la distance et les km en voiture, on choisit l’option 2. On mourra pauvres, certes, mais au moins pas de stress.

Merveilleux Lötschental, approche féérique

Départ donc au fin fond du Lötschental, au parking de Flaferalp. Il est 15h30, il fait 26 degrés…. Je sens que je ne vais pas avoir froid à la montée ! Il n’y a que 600m de dénivelé, mais une bonne distance. Fidèles à nos habitudes, on se plante, on prend l’itinéraire le plus long, mais aussi le plus beau. C’est juste de toute beauté, et la randonnée à la Anenhütte vaut à elle seule le détour ! Ruisseaux, fleurs, vaches d’Hérens, sommets enneigés, c’est difficile de faire plus beau. On voit la cabane au (très) loin, vu la distance, je suis pas mécontente d’avoir pris l’option sur 2 jours. 

La cabane est en fait un hôtel; c’est la folie… je comprends mieux le prix (127.- par personne… pour une nuit en dortoir, sic!) Mais pour ce prix : un dortoir grand luxe, avec parois en bois pour l’intimité, draps propres changés chaque jour, jeton pour la douche et linge propre (si si!), repas servi à table, bref, faites gaffe, je vais vite m’habituer. Il y a même l’option “je vends mon rein” pour la suite wellness (c’est pas des blagues). On peut se poser la question sur la pertinence de tels projets en montagne… Est-ce que des gens sont prêts à mettre un tel prix? La réponse est oui, la cabane est pleine ! On est les seuls à faire la traversée, hormis un autre couple. D’ailleurs, il n’y a pas d’endroit pour accrocher son piolet ou mettre sa corde… Bah oui, je vous l’avais dit. Hôtel. Pas cabane. Mais se coucher dans des draps frais et se réveiller sans être moite, des fois, c’est pas une mauvaise chose !

Coucher de soleil depuis la cabane

On met le réveil à 6h, après une nuit remplie de zzzzzip (mais pourquoi tous les gens ont autant de fermetures éclair??), de rrrrrrrpfffffffff (mais pourquoi y’a toujours des ronfleurs) et de “je fais 3h pour me coucher et j’allume les néons hein”. 

On décolle à 6h30, il fait déjà grand beau, et je me réjouis de cette course ! A l’approche, on croise de magnifiques bouquetins, hyper beaux. Le soleil touche gentiment les sommets, mais quel spectacle, quelle beauté !

Dans les premières lueurs du jour, lors de l’approche

J’essaie de suivre Guillaume, le couple est parti derrière nous et il ne faut pas trainer… Une dernière pente en neige à remonter, la neige est bien dure, faut faire une mini traversée pour rejoindre une sorte d’éboulis de cailloux, je suis pas à l’aise… Je vois le départ de la voie, un gros rectangle rouge (que mon Guillaume daltonien ne voit pas) et on se vache là pour se préparer. 

Le maître des lieux, quel beau bouquetin
selfie alpin
On arrive bientôt au départ de la voie; l’arête est encore dans l’ombre

Voilà, le plus pénible est fait, place à la meilleure partie ! Il y a d’abord 3 longueurs assez faciles mais qui me déconcertent à froid et en chaussures de montagne. Mais ça passe bien, je vois le couple qui arrive au début de la voie quand je suis au premier relai. 

Dans les premières longueurs

Je rejoins Guillaume au deuxième relai, faut pas être trop épais, car on longue une sorte de mur de neige qui n’a pas encore fondu. Mais quel bonheur d’être là avec Guillaume!

Deuxième longueur

Je continue quelques mètres jusqu’au début de l’arête. Elle est magnifique ! Effilée, longue, seule pour nous, mais quel pied d’être ici. Je prends Guillaume en photo, il fait pareil, et au moment de ranger son appareil dans sa poche…. Ce qui devait arriver arriva : l’appareil photo est désormais au paradis des objets paumés en montagne par les Rab’. (donc si une bonne âme voit un appareil photo à l’approche hein… n’hésitez pas à me contacter!)

Guillaume sur le fil de l’arête

Philosophes, on se dit que c’est mieux de le perdre au début de la course qu’à la fin. On démarre donc sur l’arête ! Selon le topo, il y a 18 longueurs en tout, pour une durée jusq’au sommet de 4-5 heures. On décide à partir de là de tout faire en corde courte. Même si le niveau est facile, c’est bien gazeux et ça fait bien longtemps que je n’ai pas fait une “vraie” course en montagne, mais je suis heureuse de voir que ça revient vite. J’ai confiance, j’ai du plaisir, les rasoirs sont beaux sans jamais être dur, c’est super varié et ça avance ! 

panorama de fou avec arête au top…

Cette traversée a été équipée en 2012 par les guides de la cabane, l’itinéraire est évident, il y a des spits là où il doit y en avoir, les relais chaînés, bref c’est le grand luxe, et je ne vous parle pas de la qualité du rocher qui est top. 

Guillaume sur le fil de l’arête
Superbe look, super aisance
sommet en vue !

On arrive assez rapidement vers la partie qui se redresse, sous le sommet. Le couple est loin derrière, faut croire qu’on est pas si mauvais ! La première longueur, assez verticale, est finalement facile, même si le spit n’est pas en vue, faut monter “dru dans l’pentu” et on tombe dessus. On continue en corde tendue jusqu’au sommet, avec quelques pauses pour que je file le matériel à Guillaume. Lui grimpe tout ça avec une méga aisance, comme s’il avait déjà fait cette course des dizaines de fois… 

Guillaume sous le sommet

Après 2h30, on arrive au sommet. Il fait méga bon, pas un nuage, pas de vent, je sabre le Rivella que j’ai transporté depuis la voiture, on admire le panorama, on est heureux, on pourrait rester là des heures. Mais la route est encore longue… 

sommet en amoureux !
pause bimbo-rivella (comprendra qui pourra)
La vue depuis le sommet…

Du sommet, je désescalade le début de l’arête SE. Les spits sont rouges, c’est assez facile de les repérer. J’aime toujours pas ça, les désescalades, mais j’essaie de ne pas me poser trop de questions et d’avancer ! Ensuite, on suit les flèches rouges qui nous indiquent la direction, faut bien être attentif (notamment une qui indique rive droite qu’on a failli zapper) pour arriver au début des rappels. De là, 4 rappels nous ramènent au col. Le dernier rappel est bien chiant, car notre corde de 50m n’est pas suffisante… on désescalade comme on peut (en vrai: Guillaume me mouline et il désescalade comme il peut), et on décide de retourner vers le pied de la voie pour essayer d’y trouver l’appareil photo (si vous avez lu le début de ce récit, vous savez donc que ça n’a servi à rien). On entreprend la descente jusqu’à la cabane, pour un petit arêt “tarte aux abricots, rivella et bière” bien mérité. Il y a même une fontaine pour les pieds, avec de l’eau fraîche, on a plus envie de partir…

le meilleur moment e la course
le behind the scene ;.)

Mais bon, on a hâte de la douche (et de revoir le fiston!) donc on file vers la voiture, les pieds de plus en plus lourds, mais heureux de cette belle journée, sur cette magnifique arête peu connue. Je n’ai qu’un conseil : allez-y. C’est magnifique ! 

Infos pratiques et bonnes adresses

Jägichnubel – traversée SW>SE / AD- 4b>4a II X2 P1+ E3

Topo

Nuit en cabane-hôtel : Anenhütte

Pour un super repas sur la route ou au retour : Le Nest Bietschorn (c’est un hôtel, on peut aussi y dormir à prix raisonnable)

Parking à Flaferalp : CHF 5.- /jour


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