Cascades de glace à Cogne

Si on m’avait dit un jour que j’adorerais la cascade de glace… Non mais sérieux : le froid, les débattues, les sacs de 8 tonnes, les approches interminables, les attentes aux relais à l’ombre… Comme dirait Tommy Caldwell “ I don’t know what’s wrong with me but I love this shit”. 

C’est exactement ce que je devrais dire si je devais résumer mon rapport à cette activité. C’est dur, ingrat, douloureux, mais/et splendide, jouissif, éphémère, brut, magique. 

Depuis quelques années maintenant, on se fait un pèlerinage à Cogne chaque hiver. J’avais souvent entendu parlé de ce village, décrit comme la Mecque de la glace, mais j’imaginais un bled dans un vallon encaissé, qui ne voit jamais le soleil…. pis le nom “cogne”, j’avoue: ça ne me faisait pas rêver.

Alors je vous dis pas l’extase quand j’ai découvert ce village typique, ses plats de pâtes, ses hôtels avec spa et feux de cheminée, ses vallons sauvages peuplés de chamois. Ne le répétez pas, mais on est pas loin du paradis, là-bas.

Evidemment, avec sa profusion de cascades de glaces, les glacéristes sont à Cogne ce que les touriste chinois sont à Lucerne. Il y en a partout. Et c’est pas forcément la meilleure des nouvelles quand on arrive au pied d’une cascade de glace et qu’on se croirait à la Poste un samedi matin de fin de mois. 

On a un peu peur cette année car il y a si peu de cascades en condition que les bouchons sont prévisibles. Mais on décide de tenter notre chance, au pire on retournera au Spa de l’hôtel ! On prend le pari de partir en décalé, de toute façon avec les 2h30 de route, les sacs pas faits, on n’a pas vraiment le choix…

Cascade de glace Pattigiano Artistico

Guillaume propose de faire Pattigiano Artistico, une cascade pas trop loin, pas trop dure, composée de 5 longueurs. Arrivés au parking blindé, on fait ce qu’il y a de plus dur dans ces cascades: sortir de la voiture chauffée, se retrouver glacé à préparer les sacs, les mettre sur les épaules et se maudire de faire des trucs pareils ses jours de congé !

On voit rapidement la cascade, avec pas loin de 4 (!!) cordées dedans… et des autres qui attendent de partir. ça démoralise sec. Mais on les laisse partir, on se prépare tranquillement, au moins il n’y a personne derrière nous et comme on dort à l’hôtel, on a le temps ! 

J’ai souvenir de cascades dures et cassantes à Cogne, là c’est tout le contraire. ça a tellement été parcouru qu’il y a littéralement des marches dans la glace pour poser ses crampons. Je trouve ça presque trop facile, c’est dire si tout fout le camp! 

Guillaume dans la première longueur de Pattigiano Artistico
Moi en mode multi-couches qui rejoins Guillaume au relai

La deuxième longueur est un peu plus raide, et il faut longer un petit trou d’où ruisselle l’eau… ah oui le réchauffement climatique se fait sentir, et l’étanchéité de la gore-tex se fait tester ! mais c’est plus raide et joli, et c’est agréable aussi de faire des longueurs sans décompenser et gueuler “j’arrive paaas” ! 

La deuxième longueur plus raide, avec l’option douche à droite

Cela dit cette cascade de glace c’est un peu comme les bords du lac de Montreux en plein été, c’est gavé de monde et c’est un peu le sketch. Entre une cordée qui paume sa vis à glace, le type de devant qui paume son gant… (hey mais pour une fois que c’est pas moi le boulet qui perd des trucs!), et surtout les blocs de glace qui nous arrivent dessus… Alors certes, la glace est cassante, mais j’ai clairement l’impression que les cordées de devant ne font pas vraiment gaffe quand elles frappent. Heureusement on les laisse bien aller devant et on est relativement protégés, mais bon, ça confirme ce que je pense: les cascades avec d’autres cordées, ça craint. 

En route pour la longueur suivante

Une cordée est à la traîne, la fille galère et n’avance plus des masses, heureusement le relai est au soleil, on se fait une pause rivella et on admire le paysage, entre deux blocs de glace qui nous arrivent dessus !

Selfie au soleil (t’a raison Guillaume, mon bonnet, ça va pas du tout)

La dernière longueur est jolie elle aussi, on prend à droite la partie plus raide, pendant que la cordée de devant galère… Bon, je dis ça hein mais je vaux pas mieux, j’essaie de partir en tête, je pose la première vis, et quand je vois qu’il y a encore pas mal de mètres et que c’est assez raides, je rétropédale et redescends, je crois que j’ai vraiment pas le mental (ni le physique) pour aller en tête !

J’arrive au dernier relai et je teste les mottes

Je rejoins Guillaume au dernier relai, et la descente se fait à pied. C’est assez pentu mais agréable de ne pas devoir galérer dans les rappels à essayer de démêler les cordes !

On arrive à la voiture à 17h, on aurait pu être plus rapides sans toutes ces cordées, mais c’est pas grave, on tient l’horaire pour le spa et les pasta!

Goulotte Pareti constratanti

Le lendemain, on se décide à ne pas partir trop tôt. Guillaume a repéré une goulotte apparemment peu fréquentée, et je suis pas mécontente de chercher un truc pour éviter le monde, vu les morceaux de glace que les cordées précédentes nous balançaient la veille… 

J’ai vraiment de la peine avec la notion de foule en montagne, surtout quand, spécialement en cascade, ça rime avec danger… 

Pour éviter le monde, y a un principe assez simple: marcher. Plus on marche, moins il y a du monde ! Selon le topo, la goulotte qu’on veut faire a une heure d’approche…. ouais alors  certes je ne suis pas une flèche, mais là…. à moins d’être Ueli Steck, je sais pas comment on peut tenir un tel horaire ! Il y a une longue partie au plat, puis une montée dru dans l’pentu qui mène au début de la goulotte. On décide, à la fin du replat, de chausser les crampons. Le temps d’enlever les gants pour les mettre (sérieux les mecs, c’est quand que vous inventez les crampons qui ne nécessitent pas d’enlever ses gants et de perdre ses doigts?), d’avoir de belles débattues, je décide d’avancer. De visu, ça n’a pas l’air loin. 

On dirait pas comme ça, mais ça monte sec et la goulotte nous semble à des années lumière

Aaaaaaah. Vous la voyez venir, l’arnaque? Au bout de 5 minutes de marche, le torse ruisselant, l’haleine haletante et les mollets en feu, je comprends que je n’ai quasi pas avancé et que ça va être long et pénible, cette histoire. C’est que le prénom. Je suis au soleil maintenant, et j’essaie de faire mes petits “Z” pour monter en épargnant mes mollets. Mais c’est looooong. ça n’avance pas. Déjà ce nom “approche” c’est une grosse arnaque. Non parce que ça s’approche pas du tout. J’ai l’impression au contraire que la goulotte s’éloigne au fur et à mesure ! Bon allez, ne pas regarder plus haut que mes pieds. 

J’arrive péniblement au début de la goulotte, j’ai déjà les mollets en feu. ça promet !
« C’est beau mais c’est loin » comme dirait l’autre

Après genre 8h de montée (bon en vrai c’est moins hein mais… bref vous saisissez le concept de ressenti), on arrive enfin au pied de la goulotte. Thé, rivella, ovomaltine (la Sainte Trinité), on enfile les baudriers et Guillaume file devant ! Il y a 4 longueurs, on est seuls au monde, il fait beau, l’approche est derrière, bref, que le meilleur devant nous ! 

Première longueur faite, mollets en feu.

La première longueur est relativement plate, juste ce qu’il faut pour achever définitivement mes mollets déjà mis à rude épreuve par l’approche. D’ailleurs je crois qu’avec Guillaume on a dit plus de “j’ai mal aux mollets!” que de “putain”, pour une fois. 

C’est plus finau qu’hier, moins fait aussi, peu de crochetages, pas de marches d’escaliers. Faut réfléchir un peu plus et ça me plaît. Pis le cadre est vraiment dément, c’est super sauvage. 

Guillaume dans la deuxième longueur, sublime !

La deuxième longueur est la plus difficile. Raide, faut bien se placer, y a même une traversée… bref moi et mes mollets en feu, on fait pas les malins. Mais c’est vraiment chouette à grimper ! Encore 2 autres longueurs, super belles et variées elles aussi. Non mais quel pied. 

Dernière longueur avant les rappels

Par contre, réchauffement climatique oblige, le dernier relai est inaccessible…. on doit se vacher plus haut, sur des pitons qui font pas franchement envie…. Allez, ne pas trop y penser et vite redescendre. On prend toutes les précautions nécessaires et on arrive au prochain rappel. Puis au pied de la voie. Entretemps, le ciel s’est couvert et les premiers flocons arrivent. C’est beau, cette ambiance. On voit même un aigle (ou un gypaète?) voler en-dessous de nous. Que j’aime cette région. 

On garde la corde pour la descente bien raide, mais bien moins pénible dans ce sens ! On enjambe plein de coulées, c’est définitivement une goulotte à faire quand le risque d’avalanche est nul. D’ailleurs on croise même le squelette d’un petit chamois qui a dû se faire emporter par une avalanche, le pauvre…

On arrive au replat, on se désencorde, il commence à neiger à boulet, on est comme des gamins tellement c’est beau. Encore 40 minutes de marche pour rejoindre la voiture, 2-3 gamelles sur la neige fraîche qui recouvre le sol gelé… 

Changement de décor, il neige (enfin!)

Deux beaux jours à Cogne, avec une seule pensée en quittant cette vallée: vivement l’année prochaine ! 

Mes petites bonnes adresses à Cogne

Pour le Spa (parce que le spa c’est la vie) il y a le joli hôtel rénové Sant’orso : http://www.hotelsantorso.com/fr, environ 150 Euros la nuit en basse saison

Pour les bonnes bouffes, on aime bien Lou Ressignon :https://www.louressignon.it/; c’est soigné, pas donné, mais les frites maison et le châteaubriand sauce béarnaise (26Euros par personne) valent le détour. 

La Brasserie Bon Bec (pensez à réserver!) propose des pierrades sympa (pensez à bien cuire la viande… oui ça sent le vécu): https://www.hotelbellevue.it/it/ristoranti/view/la-brasserie-du-bon-bec

Goûtez au Petit Rouge, un cépage du Val d’Aoste (d’ailleurs cette région regorge de déliceuses petites Arvines et de Cornalins, n’en déplaisent aux Valaisans)

Pour un Spritz, testez le bar de l’hôtel Miramonti : https://www.miramonticogne.com/fr/

Topos

Cascade de glace Pattigiano Artistico: https://www.camptocamp.org/routes/109399/fr/cogne-valeille-pattinaggio-artistico

Goulotte Pareti : https://www.camptocamp.org/routes/257240/fr/cogne-valeille-pareti-constratanti 

ATTENTION !  Ne pas y aller lorsque le risque d’avalanche est présent, l’approche est très exposée et nous avons traversé de nombreuses coulées

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