Traversée des Verraux – arête Sud

Voilà un moment que nous n’avons pas refait une course à 2… une fin d’été compliquée, des soucis de santé, un petit moral… Décidément cette année 2019 n’aura pas été de tout repos. Mais on n’a pas dit notre dernier mot ! On a envie de remettre les pieds en montagne, avec une course relativement courte et facile, pas loin de la maison. Ça fait un moment que Guillaume me parle de la traversée des Verraux, qui doit être sympa en automne, avec ces couleurs ! On arrive à prendre congé un jour de semaine, on débarque vers 10h au col de Jaman, le foehn souffle et il fait … 15 degrés ! Pour une fin octobre, on ne va pas se plaindre…

des jolies couleurs d’automne qui nous accompagneront sur toute la traversée

J’ai lu sur camptocamp que la traversée est longue de 2km… Ah ouais quand même! Qu’il y a 3-4 spits en place (je vous laisse faire le calcul du ratio spit par kilomètre, des fois que vous vous demandiez si c’était facilement protégeable), mais que la traversée a été rééquipée il y a peu pour les rappels, ce qui, dans ces pentes herbeuses qui peuvent vite être glissantes, n’est pas une mauvaise idée!

On démarre cette balade avec un vent monstre, qui donne une petite ambiance Patagonie. Heureusement, il fait bon et il y a le soleil. La première montée, à travers le pâturage, est courte, mais comme ça fait 2 mois que je n’ai plus bougé  ma cellulite, j’ai les mollets qui chauffent dans ces pentes herbeuses prisées des vaches en été. 

Dru dans le pentu pour atteindre le premier sommet, ça chauffe les mollets

Qu’on se le dise: n’imaginez pas une arête rocheuse, bien grimpante comme Bréona, les Perrons ou l’arête vierge. Nous sommes ici dans les Préalpes, c’est plus de la rando alpine, qui mélange sentes à chamois, cailloux branlants, pierres péteuses et crapahutage. Ce n’est pas là que vous allez tester votre fluidité dans du 6a ou votre aisance sur des rasoirs. Non. Là, on est plus dans de la recherche d’équilibre sur un terrain un peu instable. Et pour ceux à qui les terrains effilés et les sentes escarpées ne font pas peur, ce sera clairement une rando plus qu’une traversée d’arête (Guillaume n’arrêtera pas de me dire: bon allez bouge-toi c’est de la rando. Clairement, ce type n’a pas le même sens des cotations que moi!)

On s’encorde assez rapidement, parce que oui je suis une grande trouillarde

Moi, je suis une trouillarde, je ne fais pas mais alors pas du tout confiance à mes pieds, quand je vois le vide sur les côtés, je m’imagine toujours me foutre en bas, tomber et rouler comme une merde jusqu’à la voiture. Bref je flippe et propose à Guillaume qu’on s’encorde. Dans ce genre de terrain, je préfère prendre des précautions. 

Au début, on crapahute vers le premier sommet, c’est facile, et on voit bientôt le sommet de la cape au moines, but de notre course. Ah ouais… ça a effectivement pas l’air tout près!

Et hop c’est parti !

Pis je sais pas pourquoi, mais les arêtes, c’est un peu comme les cabanes de montagne: plus t’avances, plus t’as l’impression que le sommet – ou la cabane, s’éloigne… 

Et malgré le vent la vue est pas mal !

Bref, du premier sommet, on fait un rappel (y a des relais pour tous les rappels et j’ai envie de dire: Amen, parce que dans ce terrain scabreux….)

oui on doit aller là-bas, sur la grande pointe… c’est pas la porte d’à côté !

Une petite traversée assez facile, une remontée dans des pierres, entre les sapins, les mottes, les fourmilières.. je sais pas ce qui me prend, je vais devant, et évidemment, j’avance pas du tout vite, mais bon, au moins j’avance !

Hey mais on dirait presque que je suis à l’aise en fait !

S’en suit une traversée à plat, où je suis pas mais alors pas du tout à l’aise… vous savez, bien effilée, des pierres pas du tout plates (non mais l’arnaque!), branlantes (un scandale) avec du vide des 2 côtés (ça devrait être interdit) et surtout aucune prise pour les mains (ça, c’est le summum!); du coup, je passe ça avec une classe déconcertante, le dos courbé, à essayer tant bien que mal de garder le contact entre mes mains et la terre ferme… à agripper le moindre caillou, à me mettre sur les fesses quand c’est trop dur ou que ça se désescalade. Bref, c’est – n’ayons pas peur des mots – la catastrophe.

Heureusement, on attaque bientôt le ressaut suivant, c’est de l’escalade toute facile  – et tant mieux vu le peu de matériel en place pour protéger! Un coup d’œil en arrière pour voir déjà tout le chemin parcouru… et un coup d’œil devant pour avoir envie de 1) prendre du xanax 2) appeler un hélico 3) se greffer les jambes et le mental de Jornet afin d’arriver rapidement à la petite – que dis-je minuscule croix qu’on voit, but de notre traversée: la Cape au Moine! 

Je suis aussi douée en grimpe qu’en coiffure, vu cette belle ligne dans ma chevelure
mottes- cailloux branlants – mottes
Le chemin parcouru jusque là
Une petite section de grimpe peu avant le sommet

On refait des rappels, on refait les réserves de corde – on commence à avoir l’habitude, et on repart pour un tour… On continue, et évidemment comme dans toutes les traversées, je me fais avoir. Je crois que c’est le prochain sommet, alors que pas du tout! Il y en a toujours un pour cacher le dernier… Et je commence à avoir une bonne vraie fringale, déjà 3h qu’on crapahute, j’ai pas mangé ni bu, j’allais pas bien vite avant mais alors là, même un paresseux me dépasserait ! On décide de faire une pause après le Corbé. Du kiri, de la viande séchée, du pain et du Ragusa (à défaut de Rivella, que j’ai oublié), c’est requinquée que je repars ! 

La fameuse croix de la Cape au Moine… elle se sera faite désirer celle-là !

Je me plains souvent, mais je suis super contente en vrai d’être ici avec Guillaume et de pouvoir partager cette course avec lui. Après bon, si cette traversée avait fait 1km au lieu de 2, ça aurait été aussi 😉

là je galère, je m’obstine à vouloir toucher des mains le rocher alors qu’il suffisait selon Guillaume de marcher, car « c’est plat » (ouais ouais…)

On redescend, on remonte, on crapahute, et ainsi de suite jusqu’au dernier ressaut, celui qui nous amène au sommet de la Cape au Moine. Et donc de constater que la croix existe vraiment, moi qui croyais qu’elle ne faisait que rapetisser et s’éloigner ! Quel bonheur de la toucher, de se poser et d’apprécier ce magnifique panorama et ces couleurs d’automne. 

Le sommet ! L’arête (je vous l’avais dit, que c’était long) et le lac ! Y a pire comme vue
On s’engueule sur ces arêtes, mais on s’aime sur les sommets 😉

La descente est toute facile. Depuis le col, on longe l’arête et on arrive tout tranquillement à la voiture au col de Jaman. 

Très contente d’avoir fait cette traversée dans ces Préalpes que j’adore, avec mon Guillaume (que j’adore aussi – un peu moins quand il me gueule dessus mais disons que ça fait partie du charme de la cordée! ). Une course sauvage, peu équipée mais ce qu’il faut, un itinéraire évident, une traversée pas toute courte (pour moi: carrément longue!), de belles ambiances, clairement à faire en automne (ou en hiver pour ceux qui veulent rajouter du piment… mais moi j’oserais pas!). Il faut bien tester les prises (une m’est restée dans la main…), ne pas s’y aventurer si c’est pas sec, ne pas oublier le Rivella, et surtout, profiter de chaque moment.

De ceux où on transpire parce qu’on est parti comme d’hab avec trop d’habits, de ceux où la croix semble s’éloigner à mesure qu’on avance, de ceux où on constate qu’on a oublié le Rivella, de ceux où on se gueule dessus, de ceux où on s’embrasse au sommet, de ceux surtout où on déjoue les pronostics et on arrive quand même à aller en montagne en amoureux ! 

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