Le Luisin – arête Est

Une course à la journée (pour changer), pas trop loin de la maison et avec un joli cadre. Y a qu’à demander : Luisin. Je me rappelle de la Traversée que nous avions réalisée il y a 2 ans. Et faut croire que nos neurones n’ont toujours pas réussi à se connecter, parce que cette année, on refait exactement la même erreur lors de l’approche. Au lieu de prendre le sentier qui part droit en face du parking, on suit bêtement la route sur quelques mètres, pour devoir couper à travers les talus, les écorces, les pierres, la mousse, le tout détrempé évidemment. On rejoint le sentier principal après 15 minutes, je suis déjà au bout de ma vie, et j’arrête pas de me dire qu’on est vraiment trop cons. On n’apprendra donc jamais à réfléchir avant de commencer à marcher.

La suite de l’approche poursuit son carnage. Après avoir quitté le chemin, on avance “dru dans le pentu” pour rejoindre le pilier de la voie de la canicule. Ça consiste en une pente raide, faite de cailloux, j’ai les mollets qui chauffent comme jamais, et j’ai eu la bonne idée de laisser ma polaire. Je suis trempée, essoufflée, ça n’avance pas, Guillaume est déjà 12 kilomètres devant, et je me dis que décidément, les approches, c’est clairement aussi chiant que les nuits en cabane. Heureusement, il y a des chamois qui font diversion, et quand je me retourne pour (faire une pause et reprendre mon souffle) regarder le panorama derrière moi, je me réconcilie presque avec ma suée et mon souffle de bœuf: le Mont-Blanc joue à cache-cache avec les nuages et c’est de toute beauté. 

Au loin Guillaume et le Lusin. L’interminable approche pète-mollets ne fait que débuter

Après 1h30 d’effort, c’est les mollets tremblants que je rejoins Guillaume et enfile mon baudrier. J’ai tellement soif que j’avale quasi toute la bouteille de Rivella. Je sais c’est mal mais j’arrive pas à m’arrêter. Je suis sûre qu’ils mettent des drogues dures pour me rendre si accro à cette boisson. Mais c’est un autre débat.

Guillaume au début de l’arête. Ça s’apparente plus à une course alpine qu’à de la grimpe pure

Guillaume file devant, et je commence à grimper sitôt la corde tendue; vu la longueur de la course (500 m de dénivelés), mieux vaut évoluer au max en corde tendue, sauf si on veut tester l’autonomie de nos lampes frontales. 

De bien belles ambiances par là-bas

Le cadre est beau; il y a des nuages qui parfois remontent à notre hauteur, ça donne une ambiance assez incroyable à la course. On espère tenir l’horaire du topo, soit 3 à 4 heures pour rejoindre le sommet. Le crux finalement, c’est de bien tester chaque prise, et je suis contente qu’il n’y ait pas de cordées au-dessus et au-dessous de nous, parce que malgré nos précautions, certaines dévalent la paroi à vitesse grand v…

Moi j’essaie d’aller assez vite pour ne pas me faire rattraper par les nuages
Au début de la course. Pour une fois je regarde où je mets mes pieds.

A un moment, je me motive à grimper en tête. Bah oui j’ai toutes les dégaines sur moi, et il faut que je travaille un peu mon mental. C’est donc avec une niaque (à défaut d’une classe) à la Catherine Destivelle que je m’élance… pour m’arrêter 10 mètres plus haut. Ah bah oui n’est pas Catherine Destivelle qui veut hein… Il y a un rétablissement bien merdique un peu au-dessus de la dégaine et je n’ose pas faire le pas. Échec. Guillaume me rejoint, mon féminisme et mon amour propre se barrent, je le laisse à nouveau grimper en tête. 

Autant vous dire que j’étais pas aussi souriante et détendue par la suite..
Ça claque quand même, ces gros rochers
Je joue à « attrape-moi si tu peux » avec les nuages

On avance à un bon rythme, les passages plus fins sont souvent équipés de spits mais il faut tout de même bien ouvrir les yeux pour les trouver – c’est pas le Jegihorn non plus…. mais cette course alpine, brute et sauvage, me plaît de plus en plus je dois avouer.

ça se raidit

A un moment donné, je me remotive à grimper en tête (je sais pas si c’est du masochisme ou de l’obstination. Sans doute un peu des deux), je tremble, je flippe, j’essaie de ne pas penser aux mètres qui séparent chaque dégaine; surtout que le début est sur dalle et avec mes gros souliers de montagne, je suis moyennement à l’aise, mais je m’en sors tout de même. C’est clair que c’est une autre dimension de prendre le lead sur une cordée. Guillaume m’encourage et je suis bien contente d’y arriver (sans aucune classe évidemment, mais d’y arriver quand même!) Il me rejoint et file en tête pour la suite. Certains passages sont assez raides, et vu la brume qui remonte parfois, ça donne des impressions de vide sidéral assez folles… 

Bah oui quand même, si je ne me la pète pas là je me la pète quand?
Bon je suis pas super à l’aise mais j’avance quand même 😉
Une petite traversée pour Guillaume
On s’approche gentiment du sommet (c’est pas le truc en-haut, hein, c’est plus loin derrière)
Pas loin du sommet (oui je sais comme ça on dirait pas)
Mon baudrier qui doit peser dans les 180kg
l’Everest ? Le Cervin ? Non le festival de cordes fixes du Luisin

On rejoint ensuite quasiment le chemin de randonnée et les marcheurs qui nous regardent et nous photographient. C’est assez surréaliste… On était vraiment dans un paysage brut, et là tout à coup, on revient méchamment à la civilisation. La voie normale est un festival de cordes fixes, je crois que même le Cervin et l’Everest n’en ont pas autant, et la fin, qui surplombe un peu le chemin, n’est clairement pas la meilleure partie. Mais bon, on est obtus, on veut aller au sommet, donc on continue de grimper pendant que les randonneurs me disent que je suis courageuse (ah non les cocos, c’est vous et vos 4h de marche qui êtes courageux!) et nous prennent en photo. On atteint le sommet après un peu plus de 3h30 de grimpe.

La vue depuis le sommet est belle – on voit quasi tous les 4000…. Mont-Blanc, Grand Combin, Cervin, Dent Blanche… Le seul truc décevant finalement, c’est le fond de mon Rivella qui est chaud et sans gaz, et la perspective de la descente. 

Mes cernes, Guillaume et moi au sommet

Je me rappelle l’avoir trouvée interminable lors de la traversée du Luisin, mais là…. la refaire, ça ne m’enchante pas. De nouvelles cordes ont été mises, du coup la première partie me paraît moins engagée. Guillaume me laisse aller devant, et on cause durant toute la descente, ce qui a le mérite de la faire passer relativement vite (notez le “relativement” hein…). La dernière partie du chemin passe à travers des arbustes remplis de myrtilles, je tends le bras tous les mètres pour en manger, ça a le mérite de faire passer les derniers dénivelés plus rapidement.  Et on croise même un aigle magnifique, qui vole pas loin… si ça c’est pas la classe ! (peut-être qu’il nous nargue en fait, genre : vous êtes vraiment mauvais, moi avec mes ailes en 2 battements je suis au sommet)

Sur le chemin de la descente (j’ai encore le sourire car je suis persuadée qu’il reste une tarte aux fruit à la Creusaz)

On arrive à la Creusaz, où on a eu la brillante idée de monter la voiture, moyennant une autorisation payée au préalable. On s’arrête sur la terrasse du resto, c’est la frustration ultime car ils n’ont plus de tarte aux fruits (non  mais des sacrilèges pareils!), mais on se console avec du Rivella et une bière. 

Mon deuxième sommet du Luisin (le 3e pour Guillaume… qui avait chuté de 200m la première fois dans la traversée d’un névé à l’approche…. ), et toujours autant de plaisir à y être, alors que je pensais que je serais blasée. C’est une jolie course, pas trop longue (si on fait abstraction de l’approche pète-mollets), dans un cadre assez fou, avec une grimpe jamais trop dure mais variée et jolie, à part la dernière partie qui n’est pas majeure. Clairement, plus sympa que l’arête N des Becs Noirs faite la semaine passée, et beaucoup de plaisir à grimper cette voie (appelée Canicule car ouverte en… 2003). Je pense que Catherine Destivelle s’y serait un peu ennuyée, mais vu notre niveau, nous, on a beaucoup aimé !

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