Wildhorn – pilier NE (Germannrippe)

Après des tonnes d’hésitations, de brainstormings et de changements de plans avec réservations-annulations-reréservations-reannulations de cabanes, nous nous décidons le jour-même pour le Wildhorn et son pilier nord est, aussi appelé « German Grippe ». C’est une course peu parcourue et peu connue, j’ai vu quelques rares stories et il y a peu de photos. Mais ça n’a pas l’air trop long ou difficile et ça a l’air joli. J’appelle la cabane à 11h, ils leur reste 2 places pour la nuit… On décolle à 13h de la maison et je lis le topo dans la voiture. Pour l’anticipation et la planification, on repassera !

Montée incertaine à la cabane

Je ne sais pas ce qui me rebute le plus : les 2h45 de montée en cabane ou la perspective de la nuit en dortoir ! On dépose la voiture au-dessus de la Lenk à 16h, un peu à la bourre parce que le repas est servi à 18h30. Avec les piolets, les crampons et tout le cheni, nos sacs pèsent des tonnes et il fait un cagnard… ça promet ! Je débute la montée, pendant que Guillaume finit de ranger son sac (je sais pas comment il se débrouille pour faire si long à chaque fois, mais ça me permet “d’aller en tête” et d’entretenir cette douce illusion d’avoir un bon rythme). Heureusement, le cadre est joli et bucolique, on passe vers des cascades et on arrive vers un magnifique lac.

La jolie montée à la cabane (allez-y rien que pour une rando ça vaut la peine !)

Guillaume a eu le temps de me dépasser (bah oui faut pas déconner non plus) et m’attend, assis sur un caillou, perplexe devant le paysage enneigé qui s’offre à nous. Oui, les sommets sont saupoudrés et on se demande si le pilier qu’on a choisi, orienté nord, ne sera pas blindé de neige… J’appelle la cabane, ils me disent que ça passe (en sachant que 1. ils ne voient pas le pilier ni le sommet depuis la cabane et que 2. personne ne l’a faite ces derniers jours…)… Bon allez, on n’a pas monté tout ça pour rien non? On décide de continuer, on verra bien le lendemain!

Un peu avant la cabane, et les sommets enneigés qui nous inquiètent un peu…

La suite de la montée est facile et on arrive en 2h à la cabane, juste à temps pour s’envoyer un litre de Rivella et choisir les plus belles crocs. Covid oblige, les dortoirs ne sont pas remplis et on est “que” 8 dans le dortoir qui peut accueillir 20 personnes. Amen. Merci au laboratoire de Wuhan pour ceci. 

La suite de la soirée est ordinaire, la salle à manger est pleine de familles suisse-allemandes et de randonneurs, personne n’a fait la German Rippe la veille et personne ne la fera le lendemain. Bon, au moins on ne sera pas dans les embouteillages, ça nous changera du Chli Bielenhorn !

La nuit n’est pas si catastrophique que ça pour une fois, à tel point que quand le réveil sonne à 4h45, je me dis qu’on a vraiment eu une idée à la con de se mettre à l’alpinisme, et je resterais bien dans mon duvet moite…

L’approche au clair de lune

On est les seuls à déjeuner, les randonneurs font la grasse matinée. On avale péniblement nos tartines et on décolle vers 5h40. Je mets ma frontale sur la tête mais dès que je sors de la cabane, je me rends compte de son inutilité. La lune est quasi pleine, c’est de toute beauté, les lumières sont un dégradé infini de bleu et violet. Derrière nous, le lever du soleil magique change les couleurs du ciel chaque seconde. Quelle beauté. En plus, il fait bon. 

La lune, la neige et le pilier au fond
Le pilier et la (presque pleine) lune
Le soleil se lève (et je souris parce que pour une fois Guillaume n’est pas 8km devant moi)

L’approche est relativement longue en kilomètres, faut marcher un bon bout pour se rendre au pied du pilier. Après 1h30, on y arrive enfin. Il n’y a pas l’air d’avoir trop de neige, cool, ça peut passer ! 

Les premières longueurs qui mettent dans le bain

Les 2 premières longueurs sont faciles, mais à froid ça surprend toujours. On débute le pilier dans une brèche, qu’on ne quittera pas pendant 3 longueurs. Le rocher est bon en plus et équipé dans les parties dures. Si c’est pas cool tout ça! 

Guillaume dans la première longueur, rattrape le soleil
Dans les premières longueurs faciles, on essaie d’éviter la neige
Contrairement au topo, la 3e longueur se poursuit dans la brèche et non sur le fil; mais ça a l’avantage de faire une jolie photo lorsque Guillaume traverse et me rejoint au relais !

Le crux mouillé

Les 2 longueurs suivantes, les “difficiles” selon le topo… le sont ! ça reste du 4, mais en grosses, c’est pas simple, surtout avec la neige qui s’est invitée dans la section difficile, qui mouille tout… Bref, ça fait un petit challenge et Guillaume, en tête, s’en sort super bien. Moi, c’est moins fluide, mais je suis !

Guillaume dans la 4e longueur, en V+ (paraît que c’est le crux de la voie… moi j’ai trouvé que le crux était à la dernière longueur !)
Guillaume dans le célèbre pas « regarde chérie, ma souplesse légendaire »

Je crois naïvement que les longueurs difficiles sont désormais derrière et que la suite est de la rando. Alors pas du tout. On perd vite le fil des longueurs et des relais; selon le topo il y a 10 longueurs, mais il me semble qu’il y a vachement plus de relais… Bref, ça déroule assez bien sur les longueurs suivantes, qu’on fait en corde tendue, mais il y a quelques pas qui me font quelques sueurs froides et c’est relativement long et engagé. Je prends sur moi; faut dire que je suis contente d’être là; avec mon coup de flippe de ce début d’été c’était pas gagné et c’est bon pour le moral de se dire que j’arrive à nouveau à faire ce genre de course engagée!

Dans les dernières longueurs. On dirait presque que j’ai de l’aisance (en vrai: non)

Le vrai crux pour moi…

On arrive dans les 2 dernières longueurs, pour moi les plus difficiles. Il y a un pas de 5 qu’on peut franchir avec une cordelette, en artif. Guillaume passe à gauche, ça a l’air bien gazeux mais il s’en sort brillamment. Moi c’est une autre histoire. Je m’obstine à vouloir mettre mon pied dans la cordelette, et ça me permet de monter un peu mais je me retrouve couillonnée car pas de prise de main… Bref, je dois aussi faire le mouvement pour aller choper un pied et basculer à gauche, j’ai quelques palpitations mais sur un malentendu ça passe, ouf ! Par contre c’était pas rapide…. Et la course est encore longue (ça, heureusement, je ne le sais pas).

Bientôt en-haut du pilier !
ambiance aérienne et sauvage sur ce pilier !
Les traversées « sans les mains » où j’applique le fameux adage du « courage, fuyons! »
Une grimpe dans un cadre sauvage

Pour rejoindre le premier sommet, il faut continuer à monter, et Guillaume prend à gauche; c’est joli, pas très dur, mais surtout pas du tout protégé ni équipé! Je vois cette corde sans aucune protection et lui à 15 mètres de moi… j’essaie de ne pas flipper. Il arrive à mettre une sangle sur un béquet plus haut et un friend plus bas (ouf!), je le rejoins (sans trop réfléchir hein parce que bon…). On comprendra après qu’il fallait partir à droite, mais au vu de la neige, je crois qu’on a fait le bon choix.

Un passage expo sans protection (on aurait dû prendre de l’autre côté dans une sente grailleuse et enneigée qui nous faisait pas envie)
Premier sommet (la route est encore longue)

Dark Vador et une demande en mariage

Ensuite, c’est une remontée grailleuse et un peu enneigée qu’on poursuit jusqu’au sommet. Durant l’ascension du pilier, on a repéré un type qui remontait “dru dans l’pentu” jusqu’au Wildhorn; faut oser parce que c’est assez raide et expo… il passe vers des cailloux, ya pas mal de chutes de pierres, ça fait pas rêver… Il nous regarde parfois, nous aussi, c’est assez beau de voir cette silhouette découpée dans ce décor sauvage !

Le sommet est encore loin; d’abord on remonte une crête grailleuse et facile

La route est encore longue, on voit désormais le sommet qui paraît être sur une autre galaxie… Sérieux, faut aller là-bas? J’essaie de prendre sur moi et de ne pas me plaindre. On débute avec une petite désescalade facile mais super grailleuse où chaque pierre ne demande qu’à finir dans ta main, puis on rejoint une première arête de neige. On sort les crampons et le piolet. Et on débute cette première montée. On rejoint bientôt les traces du type qui est monté tout droit, la pente devient raide, mes mollets crient à l’arnaque, mon souffle ressemble à celui de Dark Vador qui a une crise d’épilepsie, mais je sais que je dois prendre sur moi et avancer si on ne veut pas exploser l’horaire. 

Guillaume trace pour rejoindre le sommet qu’on voit au loin
Les petites pentes de neige bien raides « tue-mollet »

On arrive sur un autre petit sommet (ou une épaule, ou je sais pas quoi, bref, j’ai toujours pas compris ce concept du Wildhorn). C’est du rocher tout pourri, délité, et je suis pas mécontente d’arriver à nouveau vers une pente de neige, la dernière cette fois avant le vrai sommet. Guillaume ressort son piolet, qu’il avait rangé entre son sac et son dos, mais celui-ci se coince dans la lanière de son sac, il s’acharne, il gueule, et me demande de l’aider. Il s’agenouille pour que je puisse le décoincer, et me lance un “putain mais sors-moi ce putain de piolet “ (oui Guillaume est encore plus vulgaire que moi). Je me marre intérieurement de cette image du type à genou sur un sommet des Alpes. Si ça se trouve le mec qui est monté et qui est au sommet doit voir la scène et être attendri par ce qu’il croit être une demande en mariage, alors que non, c’est juste mon mec qui décompense parce qu’il doit me demander de l’aide 😉

Bientôt… (le sommet est là-bas derrière, enfin !)

Après un peu moins de 2h depuis la fin du pilier, on arrive enfin au sommet. On est seuls au monde, je suis ravie de poser mon sac qui me sciait les épaules. Il fait super chaud, la vue 360 degrés est folle ! Rarement je n’ai vu autant de sommets; fribourgeois, bernois, valaisans, on est vraiment idéalement situés, et de voir toutes ces montagnes qu’on a eu la chance de gravir, c’est émouvant. 

Croix et sommet en vue! Youhouhou

On sort le Rivella – je l’ai trimballé sur 1800 m de dénivelés, si ça c’est pas de l’amour ultime – on se mange un bounty et on ne tarde pas à redescendre. J’appréhende tout ce dénivelé, surtout que mon genou me faisait souffrir dernièrement… 

La vue de ouf depuis le sommet

La descente et le retour à la civilisation

Heureusement, la première partie est super déroulante, sur le glacier et elle nous fait vite perdre de l’altitude. C’est agréable pour les jambes, mais par contre en distance c’est assez long. On continue vers un autre glacier (c’est un peu comme pour les sommets ou les relais, j’ai arrêté d’essayer de compter ou de comprendre au bout d’un moment!)  et on continue inlassablement la descente, efficacement, sur cette neige. 

Nous rejoignons bientôt le sentier qui file à la cabane et qui passe sur la moraine. ça va assez vite jusqu’à la cabane, où on s’enfile une grosse bière et une tarte aux noisettes, avant de redescendre à la voiture. Il faut se motiver, je vois les vaches qui chill dans le lac, j’aimerais jeter mes chaussures et faire comme elles, mais on a un horaire à tenir, l’après-midi est déjà bien avancé, et les derniers mètres sont un supplice, j’ai mal au pied comme rarement quand j’arrive à la voiture. C’est fou de se dire que quelques heures avant, on était sur un glacier, tout était blanc, et maintenant il y a des vaches, des oiseaux, des arbres et des fleurs… C’est ça que j’aime, je crois, cette différence de paysages, de lumières et d’ambiances. 

On arrive donc à la voiture après 12 heures de course (vous voyez l’arnaque? Moi qui croyais que c’était court!), ravis de pouvoir enlever nos chaussures de montagne et de se boire un Rivella frais. 

Le mot de la fin

En conclusion? Allez-y, pardi! Je ne comprends pas que ce genre de course soit aussi peu fréquentée – c’est tant mieux pour nous – mais ça en vaut largement la peine. C’est mixte et varié, ça grimpe bien, le rocher est bon, la vue démente, franchement, que demander de plus? (des chambres doubles, un frigo à Rivella au sommet et une descente en hélico?)

Cotations: D- 4b>4b A0 II P2+

Topo : https://www.camptocamp.org/routes/55186/fr/wildhorn-pilier-ne-germannrippe-

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