Dri Horlini – Arête SW

Dri Horlini

Mes compétences en allemand étant clairement limitées, c’est lors de la (bien trop longue) marche d’approche vers la cabane que mon cerveau percute enfin : Dri Horlini.
Dri comme trois (ça je sais, grâce à mes matches de volley que je faisais adolescente contre de sombres équipes suisse-allemandes. Oui. Partant de ce constat, je trouve que je m’en sors plutôt bien dans ma vie d’adulte). Et Horlini, pour « horn » comme tous ces sommets qui finissent ainsi, à commencer par le Matterhorn, sommet. Les 3 pics, pour le bien-nommé 3 horlini. Une course repérée depuis un moment par mon Guillaume, qui me motive MAIS… me refroidit aussi à cause de :

  • la montée à la cabane : 3h, c’est bien trop long
  • La nuit à la cabane. Une nuit en cabane, c’est bien trop long aussi.

Mais comme en montagne le principal adage (après le « mais qu’est-ce que je fous là bordel ?) étant : toute bonne chose se mérite, on décide à la der des der d’y aller. Les risques d’orage sont limités, on arrive à prendre congé, à caser le fiston. Tous les signaux sont au vert (à part mon cerveau. Sérieux : 3h de montée en cabane ?), la cabane a encore de la place, on se décide donc pour partir dans l’après-midi pour Saas Almagell. On doit être à la cabane pour 18h30, on arrive au parking à 15h30. Guillaume me dit « bon
bah va falloir que tu bourres hein, tu te mets dans le rouge pour cette montée ! ». Moi, diplomate et pédagogue « mais heu… je suis toujours dans le rouge lors des montées en cabane… ». Lui : « alors dans le rouge foncé ».
Ce sera même dans le rouge écarlate , à l’image de mon teint, que j’atteins la cabane en 2h30. La première partie est ludique, on traverse deux ponts suspendus (j’ai les chocottes, mes bâtons se coincent dans les filets, on dirait que les planches en bois qui servent de passerelle datent de l’avant-guerre…),

l’un des 2 ponts suspendus; pour nous clairement le crux de la course (surtout avec les bâtons qui se coincent dans les filets)

La deuxième partie depuis le replat me paraît interminable. Nous arrivons enfin à destination.

Et enfin la cabane ! Derrière, la course de demain, mais avant, une bonne petite nuit blanche en cabane

Les Dri Horlini surplombent la jolie cabane, je suis aux anges quand je l’aperçois enfin. Il y a pas mal de monde, quasi tous vont au Weissmies. Tant mieux, ça fera ça de moins sur l’arête ! On partage notre table avec un couple de St-Légier, le village voisin du nôtre, et on rigole bien, c’est vraiment une chouette soirée. Qui est stoppée aussitôt arrivés dans le dortoir. Un petit dortoir de 6 places… déjà occupé par 2 personnes. Un vieux géant et sa fille (je présume). À 21h07 on se couche, à 21h11 le vieux géant se met à ronfler. Un rapide calcul – le petit-dej est à 7h, et le constat tombe : putain, ça va être une longue nuit. C’est le cas. Le vieux ronfle sans s’arrêter, en 2 temps. D’abord comme une sorte de clapet qui s’ouvre et se referme, on dirait un peu Dark Vador (d’ailleurs j’imagine assez bien le sabre laser à un moment de la nuit, mais c’est juste sa frontale qu’il m’envoie dans la figure quand il se lève pour aller aux toilettes) puis un long ronflement glutural. Dans ces moments-là, j’essaie tout ; méditation, boules quies, focus sur d’autres bruits (les clochettes des moutons), rien y
fait. J’ai vraiment envie de le tuer. A 6h, on n’y tient plus, et on décide de se lever. Et à 7h15, on part enfin, et c’est pour moi presque une libération.

Le départ vers l’arête; ce n’est pas long (et ça c’est quand même bien plaisant!)

L’approche est courte ; 30 minutes selon le topo. On tient l’horaire mais mes jambes galèrent dans ces blocs de pierre ; au « réveil » (si on part du
principe que j’ai un peu dormi), c’est jamais évident de mettre la machine en route. Si mes jambes pouvaient parler dans ces moments-là elles diraient « mais qu’est-ce que tu fous bordel ? ». On arrive rapidement au pied de l’arête. Selon le topo elle est très peu équipée. Michel et Linda, ceux qui ont partagé notre table la vieille, nous rejoignent. Linda a mal a la tête mais décide tout de même d’y aller. On part en premiers ; il fait bon, et on tire 2 premières longueurs.

Peu (… pas…) de protections pour ces 2 premières longueurs qui réveillent
Un excellent rocher et contre toute attente de bonnes prises pour les pieds (même pour les palmes taille 48) de Guillaume

Pour moi c’est les moins évidentes de la course. Peut-être parce que mon corps et mon cerveau ne sont pas vraiment encore opérationnels, ou alors que ça me fait bizarre de grimper en grosses chaussures, mais je ne suis pas la plus agile des alpinistes dans ces moments-là. Il y a tout de même un piton dans la troisième longueur et je me fais violence pour ne pas tirer dessus 😉
Guillaume a l’air, comme d’habitude, de se balader. On arrive au premier sommet rapidement. J’ai hâte de la suite, j’adore progresser sur des arêtes avec mon amoureux. On ne sait jamais combien de temps ça va prendre, c’est toujours traître ces arêtes niveau horaire, et on lit de tout sur les topos… Normalement ça se fait entre 3 et 4h, on mise sur 3h30.

Dans la première partie; je ne suis pas mécontente de rencontrer le soleil !

Mais on a le temps, donc pas de stress. On évolue en corde tendue, ça va bien, on se connaît depuis le temps et j’ai l’impression que toutes les courses d’arêtes précédentes nous a bien fait progresser. Guillaume pose des friends ou des sangles, mais il y a globalement pas d’équipement et je suis rassurée d’être en second !

Premier sommet… avouez qu’il y a pire niveau panorama !

Nous faisons ensuite une désescalade facile puis filons sur l’arête pour rejoindre le deuxième sommet. Il y a des passages bien aériens, le rocher est super, c’est du granit et c’est un plaisir de crapahuter par là, avec un panorama pareil ! Honnêtement, je m’éclate. Je suis heureuse de voir que toutes ces suées, ces nuits pourries en cabane, ces angoisses, m’ont permis de petit à petit gagner confiance pour laisser place à du plaisir (bon faut pas croire, hein, je continue à bien flipper à plein d’occasions !).

Alors je ne suis clairement pas la reine de la désescalade mais je m’améliore (presque)
Notez un peu la détermination (et les enjambées de géant!) du type
« Tu le vois le gros caillou en face? Oui c’est là-bas qu’on va »
(hey mais c’est moi ou Guillaume pose?)
Désescalade pour rejoindre le gendarme
En route vers le deuxième sommet(je crois hein)
Le gendarme, avec un petit rappel à son sommet
Le gendarme, vu du haut, avec moi dedans (et une classe relative)

Nous escaladons ensuite le gendarme, c’est de la chouette grimpe, avant de faire un rappel pour se retrouver à la base du 3 e sommet.

La vue sur le deuxième sommet, et ma pomme sous le sommet principal
Les fesses de Guillaume, juste sous le dernier sommet

Déjà ? Mince alors, c’est presque trop rapide cette histoire… Il y a quelques jolis pas sous le sommet, et je suis presque déçue que cette course soit si courte. On aura mis 2h20, et c’est bien la première fois qu’on est sous les horaires annoncés. C’est chouette de voir qu’on arrive à bien avancer dans ce genre de terrain, et surtout à avoir du plaisir !

La partie sommitale pour rejoindre le sentier de descente
Merci à notre cher voisin dans le dortoir de nous donner cet air si serein et reposé (mais on est quand même heureux ! )

La descente depuis le sommet est facile, on y croise même un chamois. Une heure après, on est à la cabane et il est 11h15. On décide de continuer jusqu’au replat, 1h plus loin, pour y manger des röstis et une croûte au fromage. Avec vue sur les montagnes, s’il-vous-plaît.


Je regrette presque de ne pas avoir enchaîné le lendemain avec le Portjengrat ; mais je n’aurais pas eu le courage de dormir à nouveau à la cabane. Et puis bon, il faut garder quelques projets pour les prochains étés ! Je vous recommande clairement cette arête. Elle est belle et engagée, le rocher est bon, et ce n’est pas trop long, si l’on est capable d’avancer en corde tendue. Elle est encore plus belle quand elle est partagée avec celui qu’on aime, et qu’elle se termine par un bon Rivella et des röstis valaisans.

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