Pointe de Mourti > Dent des Rosses

Jamais une course en montagne n’aura été aussi peu préparée. La météo capricieuse chamboule nos plans, et il y a un jour de beau qui s’annonce. Après plein de tergiversations avec Guillaume du style “non c’est toi qui décide” “non mais c’est toi”, “non mais moi c’est égal”, on se décide pour la Dent des Rosses, avec un crochet par la Pointe de Mourti. C’est dans la région de Moiry, que j’adore, et ça fait pencher la balance. 

On hésite à faire la course à la journée; comme d’hab, sur les comptes rendus des sorties, on trouve de tout niveau horaire, mais je n’ai pas envie de me mettre dans le rouge ou de flipper à cause de l’horaire. Pis c’est pas comme si j’étais une fusée hein…  on décide donc de dormir à la cabane de Moiry. 

On part dans l’après-midi, ça fait déjà une sacrée trotte en voiture, et je préfère ne pas imaginer à quelle heure on aurait dû se réveiller si on avait fait cette course à la journée. 

Montée à la cabane, avec ce qu’il reste du glacier sur la droite

Le temps est couvert lorsqu’on arrive au glacier, et c’est tant mieux, la montée n’est pas trop caniculaire et j’apprécie (enfin… comprenez-moi: comme on peut apprécier une montée en cabane!). En face, la couronne de Bréona, faite l’année passée (comment ça vous n’y êtes pas encore allés? Mais quel scandale, c’est pourtant si beau!) Mon sac me scie l’épaule, et après une heure et quart de montée, on arrive à la cabane. Quel spectacle. 

Coucher de soleil sur la Cabane et le glacier de Moiry

Je me rappelle que lors de nos débuts en rando, ça avait été un choc pour moi de découvrir ce glacier, ce panorama depuis cette cabane. 10 ans plus tard, l’émerveillement reste intact, contrairement au glacier, qui fond à une vitesse terrifiante. 

Nous sommes accueillis par le gardien super sympa, qui nous annonce que les chambres sont complètes, ce sera donc dortoir. Mais on a la chance d’être dans un coin, sans personne à côté, ce qui tient du miracle puisque la cabane est quasi pleine. 

Pour couronner le tout, la nourriture y est excellente; on nous sert un chilli sans viande, et après la cabane de la Tsa qui nous avait fait des lasagnes aux légumes, je suis heureuse de voir que de plus en plus de cabanes se mettent au végétarien, aux produits bio et de proximité. En plus la carte des vins est incroyable; on y trouve même du Marie-Thérèse Chappaz. Bref, j’en fais l’éloge, mais je ne peux que vous conseiller d’aller y faire un tour !

Petite Arvine panoramique. Ou le concept de réconfort avant l’effort

La nuit est évidemment moins délicieuse, faut pas déconner non plus, toute bonne chose a une fin. Sur 8 dans le dortoir, on se tape un ronfleur. ça me laisse le temps de philosopher sur les ronfleurs, cette espèce mystérieuse et si présente en dortoirs. Pourquoi sont-ils les premiers à s’endormir? Pourquoi dorment-ils si longtemps? Pourquoi ne sont-ils pas capables de ronfler régulièrement? La concentration de ronfleurs est-elle plus importante en cabane que dans le reste du monde? (je réponds sans hésitation OUI à cette dernière question). Je m’endors finalement sur ces grandes questions existentielles à 1h30, comme le petit-dej est à 5h30, c’est pas si mal, mais le ronfleur et son client mettent le réveil à 4h30. Vraiment un chic type, merci pour la nuit de merde. 

On décolle à 6h, dans les premières cordées, même s’il y en a déjà au loin. Il fait bon, déjà jour. ça fait un moment que je n’ai pas fait une course mixte, je ne suis jamais fan des remontées dans la neige, mais le panorama est assez fou et ça a le mérite de faire diversion.

le lever de soleil, ou la récompense pour tout alpiniste des nuits pourries en cabanes

Après un début à plat dans la caillasse, on met nos crampons et on débute l’approche jusqu’au col de Mourti. On croise un bouquetin sur le glacier, et je ne sais pas qui est le plus surpris, mais ça fait vraiment scène de fin du monde. Il crapahute ensuite sur des rochers et fait tomber des pierres; heureusement nous en sommes loin. 

La course du jour droit devant. Col de Mourti pointe de Mourti et enfin Dent des Rosses (je sais: on n’est pas rendu!)

Ce paysage composé de crevasses, de séracs est assez surréaliste. La chaleur a dessiné des motifs hypnotisants sur la neige, et j’en arrive presque à oublier que petit à petit, on approche du col.

On dirait pas mais il y a quelques jolies crevasses qui nous guettent…
Guillaume qui s rapproche inexorablement du Col de Mourti
Oui bon ça reste bien trop long cette histoire d’approche 😉

On rattrape la cordée de devant, Guillaume la dépasse et accélère, je n’ai d’autre choix que de le suivre, mon coeur bat la chamade et on attaque la montée vers le col. De là, on laisse les crampons pour continuer sur de la caillasse, mon coeur frappe de plus en plus fort, et je déteste la sensation des crampons sur le rocher.Je suis à la ramasse niveau cardio, et j’opte pour la bonne vieille technique numéro 1 “hey regarde le paysage comme il est beau” (+pause de 3 secondes pour reprendre mon souffle) suivi de ma technique numéro 2 “hey attends 2 secondes je fais une photo c’est hyper beau”.

Notez le désarroi sur mon visage. C’est long ces derniers mètres avant le sommet de la Pointe de Mourti

Une dernière pente de neige avant le sommet de la Pointe de Mourti. Difficile pour moi, je sens vraiment les effets de l’altitude – on est à 3600m – mais j’avance tant bien que mal pour retrouver Guillaume et la statue de Marie. Seuls au sommet, quel bonheur ! En plus, c’est assez rare pour le souligner, on est les premiers à arriver au sommet. On l’a pour nous, et comme c’est une course courue, que la plupart des alpinistes s’arrêtent là, on en profite! 

oui là clairement je me fais pas prier pour ne pas bouger pendant la photo
Seuls au sommet de la Pointe de Mourti avec la Madone. Au fond, le but du jour: la Dent des Rosses

Pour notre part, la course commence vraiment maintenant; on fait d’abord un rappel pour pouvoir continuer la course, à savoir l’arête rocheuse de 2 kilomètres qu’on va devoir suivre. Et oui, ce n’est pas fini!  On est rejoint par une cordée, et ça a le mérite de me faire stresser, je m’emmêle dans mes manip, Guillaume me presse, et après quelques petites tensions je fais le rappel et zappe le relais. Pas grave, on rejoint en quelques pas l’arête, qu’on suit jusqu’au col des Rosses. C’est long en distance, mais pas difficile techniquement et du coup on avance bien, en corde tendue.

Avec toutes nos sorties en amoureux, on sait maintenant comment évoluer dans ce genre de terrain (oui bon ok, surtout Guillaume.. on va dire que moi je sais le suivre!). Cette arête se protège bien, on coiffe des béquets, Guillaume met quelques sangles et friends.

de la désescalade facile (même pour moi ! C’est dire !)
2 km d’arête, mais ça déroule super bien

Il y a un passage un peu plus technique après le gendarme qu’on contourne, et ça tombe bien il y a quelques spits en place. Y a pas à dire, ils ont pensé à tout! Après une petite heure, on se retrouve rapidement au col. Il me semble voir d’ailleurs un R dessiné sur une pierre, j’imagine qu’on peut rejoindre le glacier par un rappel. 

Guillaume le chamois dans la dernière partie avant de rejoindre le sommet de la Dent des Rosses

En ce qui nous concerne, on est en forme, le panorama est fou (je sais, je dis ça pour chaque course, mais là c’est vraiment dément : Weisshorn, Dent Blanche, Zinalrothorn, bref toute la couronne impériale, et des tonnes d’autres 4000…. et l’aiguille de la Tsa, bref plein de chouettes souvenirs !). Arrivés au pied de la Dent des Rosses, on se fait une pause. On est à 3500m et on a chaud en t-shirt… c’est fou ! La cordée de derrière nous dépasse, on les laisse filer, on savoure le moment. Quel pied de pouvoir faire une course pareille en amoureux, au soleil, dans de telles conditions, avec un panorama si magique. 

Déjà un bon bout de chemin parcouru avant la dernière partie plus grimpante

On continue notre course pour la dernière partie, la plus grimpante : la Dent des Rosses. C’est joli, jamais très dur,  ni très long. On fait 2 longueurs et le reste en corde tendue, Guillaume protège ça comme un chef, avec friends et sangles, tout comme il faut. On arrive au sommet vers 11h, après 5h de course. Le fait d’évoluer en corde tendu nous a clairement permis de tenir cet horaire.  C’est un bonheur de déguster un rivella face à la couronne impériale. Je crois même pouvoir dire que ça relève du paradis total. 

Allez un petit exercice de fissure, le Rivella doit se mériter
Guillaume sous le sommet
1-2 petits pas tout de même

On arrive au sommet vers 11h, après 5h de course. Le fait d’évoluer en corde tendu nous a clairement permis de tenir cet horaire.  C’est un bonheur de déguster un Rivella face à la couronne impériale. Je crois même pouvoir dire que ça relève du paradis total. 

sommet !
C’est bien y a même une chaise longue pour contempler la couronne impériale !

J’appréhende la descente (j’appréhende toujours les descentes !) , surtout la traversée du glacier. Mais une étape après l’autre. D’abord on redescend la Dent, c’est facile et pas long. Ensuite on met les crampons et on file sur le glacier. Je passe devant, et je fais ma fusée. D’une part parce que si je me traine je risque de fondre avec les températures actuelles, d’autre part parce que j’ai pas envie que Guillaume teste sa technique de mouflage sur moi: moyennement envie de finir dans une crevasse. Heureusement qu’on est arrivés au sommet tôt, la neige est encore stable et on ne s’enfonce pas trop. 

Une cordée qui redescend du col des bouquetins; on va à notre tour faire les fourmis et rejoindre ce glacier
Hop, et que ça file !

Autant les montées dans la neige, ça ne me passionne pas, autant les descentes dans la neige, c’est quand même la classe. On file à toute allure, et malgré la distance, on avance vite. On rattrape la cordée de devant, on suit bien les traces, et on continue vers la cabane. En un peu plus d’une heure on y est, et on ne se fait pas prier pour se boire une bonne bière accompagnée d’une tarte aux myrtilles. 

Encore une petite heure pour rejoindre la voiture, tout tranquillement, en se remémorant cette chouette course. Variée, avec un panorama de fou, pas toute courte mais pas trop longue non plus, bref, une journée juste parfaite, même si les ronflements de mon cher voisin de dortoir auraient pu être optionnels. Faut croire que les bonnes choses se méritent !

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