Traversée Petit et Grand Paradis (4061m)

10-11 août 2013

Après ma grosse remise en question de l’Obergabelhorn, nos guides Jérôme et Eric nous proposent un sommet pour ce week-end. Ça devait être une grosse course, mais avec la neige fraîchement tombée, il ne nous reste pas beaucoup d’options… Jérôme nous propose la traversée du Petit-Grand Paradis. Je dois dire que cette histoire de météo me va bien, je préfère me remettre gentiment dans le bain pour regagner confiance, et si on peut éviter de faire un énorme sommet et que je sois dans le rouge durant 95% de la course, ça me va bien.

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J’ai déjà entendu parler du Grand Paradis, 4000 « facile », mais pas de la traversée. Selon Jérôme, c’est très peu fréquenté, c’est magnifique et très varié. Du rocher, de la neige, une traversée, 2 paradis, rien que ça (le petit et le grand), peu de monde, moi je dis que ça présage une jolie course !

J’essaie vraiment de partir positive, de ne pas trop baliser. Je me fais violence pour ne pas scruter tous les topos et me faire peur, mais j’y arrive, et ça paie car quand nous retrouvons les guides pour partir en Italie, je suis presque sereine !

Nous partons sans nous stresser. Si la route en voiture est longue, la montée en cabane est assez rapide et jolie. Elle commence avec un sentier assez large dans la forêt, à l’ombre. Il ne fait pas trop chaud, tout va bien. Xavier et sa cliente Marina nous rattrapent. Ils feront aussi la traversée et ils ont l’air sympa. Il y a un peu plus de 2h30 de montée, ça reste très raisonnable, et en plus c’est joli. Après la forêt, la végétation se fait plus rare, le sentier fait de grandes boucles, ça monte régulièrement et bientôt la cabane est en vue.

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Nous sommes accueillis par un bonjourno à la cabane Chabod, et ouais, nous sommes en Italie et le dépaysement est complet. Cette cabane c’est le grand luxe ; lits superposés, entrée à choix (avec des pâtes franchement bonnes) et dessert à choix, j’opte pour un tiramisu. Ça change des pêches en conserve, pour lesquelles opte Jérôme (il y a comme ça, des choix de vie, sur lesquels je ne m’étendrai pas. Mais bon. Jérôme. Merde quoi.)

La soirée est vraiment chouette, nous apprenons à connaître Xavier, son regard sur les expéditions qu’il a longtemps organisées, et Marina, sa cliente qui a fait comme premier 4000 le Cervin, rien que ça ! Le coucher de soleil est de toute beauté et je ne stresse même pas trop pour demain. Non mais qu’est-ce qui me prend là ? Est-ce que je deviendrais optimiste ?

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La nuit en cabane reste cependant une nuit en cabane, je dors moyennement bien, faut pas déconner non plus ! Petit-déj à 3h, Xavier et Marina dégainent le tube de Cenovis qu’ils ont transporté avec eux pour faire leurs tartines. La classe. À 3h40, nous nous mettons en route. Il y a la montée au col que je redoute un peu, quasi 1000m de dénivelés, et ça a l’air bien pentu… Nous partons d’abord sur la moraine, gagnons rapidement de l’altitude. Il ne fait pas froid, nous sommes 4 cordées au total: Guillaume et Jérôme, Xavier et Marina, une guide italienne et sa cliente russe, et Eric et moi.

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En plus, nous avons bien choisi notre timing, car il y a une pluie d’étoiles filantes ces jours-ci… bon, je dois dire que je me concentre sur mon rythme et que du coup je n’ai pas souvent la tête levée vers les cieux, mais ça donne une ambiance assez magique. Je ne sais pas comment Eric se débrouille, toujours est-il qu’il trouve le rythme parfait, qui me convient à merveille. Ça avance. Bientôt, nous sortons nos piolets. Un dans chaque main. Et oui, la pente se raidit et 2 piolets, ce n’est pas de trop ! Je me concentre sur chaque pas et franchement c’est pas si pire !

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Le jour se lève, le ciel se mue chaque minute, se pare de ses plus belles couleurs. Les sommets se découpent dans le ciel rouge, c’est de toute beauté. C’est dans ces moments-là que je me dis que oui, les montées à la cabane, les rôtis de porcs et demi-pêches en conserve, les nuits avec ronflements et les habits qui puent la transpiration, c’est jamais super glamour, mais dès qu’on a des panoramas comme ça, on se dit que ça vaut bien ces quelques petits désagréments.

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Nous arrivons au col après plus de 2h30 de montée. Il fait maintenant jour, et la course d’arête se dévoile devant nous. Jérôme, Guillaume, Xavier et Marina filent devant nous. Il y a de beaux passages en rocher, pas toujours évident avec les crampons, mais tout se passe bien. On monte, on redescend, on désescalade, on re-crapahute, je ne suis pas Kilian Jornet niveau rapidité mais j’ai du plaisir, et c’est vraiment le plus important. Pis bon, on avance quand même, c’est l’essentiel. Il y a ensuite un passage dans une cheminée pas évident du tout, mais là aussi, contre toute attente, je ne galère pas trop !

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Je crois que je suis dans un bon état d’esprit, que je ne me mets pas la pression, et franchement tout va bien. Eric m’encourage, il est top comme d’hab et me pousse à croire en moi et à me dépasser. Le sommet est en vue, mais il reste encore de longs passages en neige. Les traversées sont vraiment gazeuses, je jette un coup d’œil en bas et me dis que j’ai intérêt à ne pas faire un faux pas… Mes mollets chauffent sévèrement, je ne serai pas mécontente d’arriver sur du plat ! J’ai une mini perte d’équilibre et le mauvais réflexe de choper la corde devant moi, Eric me gueule « non » et je reprends mon équilibre, mais ce bon coup de flippe me rappelle à l’ordre : il faut rester concentrée. Eric taille des marches comme il le peut pour me rassurer. Allez, un pas après l’autre.

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Finalement, la dernière pente, qui avait l’air interminable, passe assez vite. La neige exposée au soleil s’est un peu ramollie et permet de faire des « marches », sorte d’escalier nous menant au … Paradis ! Guillaume et Jérôme nous attendent depuis un bon moment au sommet. Je suis hyper contente de les retrouver, et fière de moi aussi. 8h de course pour arriver au sommet, ce n’est pas rien, et en AD+, je me dis que je m’en suis assez bien tirée ! Guillaume a randonné, comme d’hab. Il est de plus en plus impressionnant…

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Je suis heureuse qu’on se retrouve les 4. C’est un vrai moment de bonheur. Nous sommes à une dizaine de mètres du « vrai » sommet, là où tous les alpinistes qui ont fait la voie normale (et il y en a un paquet) se retrouvent.

Et là on entend un « seat down », un type qui gueule de nous assoir, mais vraiment il gueule. Je me demande s’il nous ordonne ça parce qu’il y a un hélico qui arrive, ou parce qu’il veut nous prévenir qu’il y a un tremblement de terre ou je ne sais quoi… Ben non ! Ce débile gueule parce que sa pote russe et la guide italienne arrivent au sommet et qu’il veut la prendre en photo. Vraiment classe. On lui gueule dessus et je dois dire que son comportement m’exaspère. Il se croit où le type russe ?? On le dépasse et je lui dis que son comportement n’est vraiment pas classe. Là il me répond que ça fait une heure et demie qu’il attend pour prendre la photo. Pauvre petit chat. Je lui réponds que ça fait 8h qu’on grimpe nous aussi pour être sur ce sommet. Et là je me censure parce que sinon je deviendrais vulgaire. Guillaume lui conseille d’arrêter l’alpinisme et d’aller rejoindre ses compatriotes en côte d’azur. J’adore.

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Je suis doublement heureuse d’avoir fait cette traversée peu fréquentée. Des fois, des courses plus techniques, ça nous permet d’éviter ce genre de personnes qui se croient tout permis. La descente par la voie normale c’est de la rigolade, je dépasse même Guillaume (c’est tellement rare pour être signalé) et en 2h nous sommes à la cabane.  Pas de rivella (on est en Italie), c’est un scandale, mais je me rattrape avec une copieuse soupe. Nous redescendons ensuite tranquillement dans l’après-midi vers la voiture. 2 guides top, un chéri incroyable, une course vraiment belle… ça valait bien 2 paradis !

 

 

 

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