Traversée du Breithorn

31 août 2013

Pour cette dernière journée du mois d’août, et après notre entraînement d’hier au Pollux, nous partons à 5h15 de la cabane des Guides d’Ayas. Oui je sais, on est des vrais féniasses, mais les journées raccourcissent… et nos guides doivent croire qu’on est des rapides (heu…). Enfin bon ! J’appréhende la montée jusqu’à notre premier sommet du jour. Oui, si tout va bien, nous ferons 5 4000m aujourd’hui ! Joli programme non ?

C’est drôle, j’appréhende toujours de sortir de la cabane, de m’encorder en affrontant la nuit. Je la redoute. Mais à chaque fois, c’est pareil : dès que je lève les yeux, les astres se révèlent, les étoiles brillent de mille feux, c’est tellement apaisant et réconfortant.

La montée jusqu’au premier sommet n’est pas toute simple. Si les ¾ de la montée est régulière et que mon souffle est étonnamment pas trop lourd, je redoute les derniers mètres après le bivouac, clairement plus raides ! ça zigzag, ça serpente, et ça a l’air de n’en plus finir… Allez, un pas après l’autre, je reste concentrée sur les crampons Grivel d’Eric. Je crois bien que je les connais par cœur depuis le temps ! La pente se raidit méchamment, heureusement que j’ai pu m’entraîner hier avec la descente du Pollux ! Comme hier, sous la fine couche de neige, il y a de la glace et même si je fais mon possible pour planter mon crampon dans la glace, j’appréhende chaque pas. Pas question de trébucher ici…

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Au bout de 2h, nous arrivons au premier sommet du jour ! Il y a une cordée devant nous, que collent aux baskets crampons de Guillaume-la-fusée-et-Jacques-le-superman, des cordées en contrebas, d’autres qui se dirigent vers la demi-traversée. Le jour se lève petit à petit. Nous arrivons au Roccia Nerra, à un peu plus de 4060m. Quel spectacle, les amis… le Weisshorn nous fait sa révérence, plus majestueux et imposant que jamais. Il se pare de mille couleurs de feu. Je ne sais pas ce que j’ai fait dans mes vies antérieures pour avoir autant de chance d’être là en ce moment, je dois avoir un sacré karma… mais qu’est-ce que je suis heureuse.

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Cela dit, nous ne traînons pas, les autres cordées nous rattrapent et nous voulons être dans les premiers pour les rappels. Nous nous engageons sur une magnifique arête de neige. C’est si beau. Le silence, le ciel rose, l’odeur du ciel. Je regarde à gauche, je vois le Grand Paradis où nous étions il y a quelques semaines. Il est majestueux. À droite, le Weisshorn, le Zinalrothorn, sublime également, qui se découpe fièrement dans le ciel. Et droit devant, maître Cervin, la plus belle montagne du monde.

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Nous arrivons rapidement au gendarme. Ah des cailloux, j’aime ça ! C’est assez aérien mais jamais trop ; Guillaume et Jacques sont devant nous, ils randonnent. En les regardant, je me dis que j’ai dû louper les panneaux « tourisme pédestre », parce qu’on dirait qu’ils courent sur un sentier balisé !

Nous les rattrapons (bon ok. En réalité : ils nous attendent et nous arrivons à leur niveau) et c’est parti pour 2 rappels. Le premier rappel est occupé par 2 allemands, Eric et Jacques filent vers un rappel un peu plus bas, qui nous fait gagner du temps. Hop, Eric me mouline, on enchaîne avec le rappel suivant. C’est chouette, nous sommes les premiers, personne devant, pas de bouchon en vue. Bon, faut pas qu’on traine la patte du coup…

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Un peu de désescalade, puis une partie en mixte, du beau rocher qui se colore au soleil. Je regarde Guillaume grimper comme un ptit bouquetin, face au Cervin qui, j’en suis sûre, nous fait un petit clin d’œil (bon ok, c’est peut-être l’effet de l’altitude). Je n’ai pas peur, je suis heureuse, plus qu’heureuse d’être là, je ne me pose pas mille questions ; c’est juste le bonheur absolu. Elise qui profite de l’instant présent et qui ne se fait pas rattraper par ses peurs, qui l’eut crû ?

Pour l’instant tout roule, nous sommes bien dans les temps ; l’écart se creuse avec les autres cordées, nous avons l’arête pour nous. Hé mais est-ce qu’on deviendrait moins lent ?

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Les choses sérieuses commencent, et si j’ai adoré la première partie de l’arête, que dire de celle-ci ! De la belle grimpe, de jolis baquets taillés sur mesure pour mes petites mains. Je m’éclate, je me réjouis de chaque longueur. Il fait beau, pas de vent, le panorama est toujours à couper le souffle. Bon, c’est sûr, des fois je manque un peu de classe, des fois je m’aide un peu des genoux, des fois même Eric me hisse un peu sur la corde, mais finalement, j’arrive au bout de chaque longueur et je ne galère pas trop. Est-ce que toutes les longues voies de cet été auraient payé ?

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Le temps file, nous rejoignons Guillaume et Jacques qui ont enfilé les « crabes » pour la dernière partie en neige. Quoi ? Déjà ?! Et oui, une belle pente en neige toute jolie nous permet de rejoindre l’avant-dernier 4000 du jour. Au loin, nous voyons la foule sur le Breithorn occidental. Les corniches sont impériales et je suis bien la trace, ce serait bête d’avoir un accident si près du but.

Un coup d’œil en arrière, tout le chemin parcouru se dessine à nous. Quelle splendeur, quel accomplissement ! Je sais que le gros de la course est derrière nous. Je vois des petites fourmis derrière nous, escalader de gros rochers, de minuscules points noirs avancer sur les pentes neigeuses. Hé bien, finalement, on n’a pas tant trainé la patte…

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Nous arrivons au sommet principal. Le Breithorn est le 4000 le plus facile par la voie normale, je pensais que nous aurions droit à un beau cortège et c’est le cas ! Il y en a pour tous les looks, pour toutes les techniques… On était bien seuls sur cette arête… Rho mais qu’est-ce qu’on devient élitistes et solitaires ! Allez oust, filons !

La descente est très rapide (une pente de neige – mes genoux me remercient encore aujourd’hui), et loufoque (les alpinistes habillés comme pour faire un 8000, les skieurs du dimanche, bref…) et en une vingtaine de minutes nous rejoignons le glacier. Encore une vingtaine de minutes pour arriver au Petit Cervin. Sur le glacier, des familles qui ne s’encordent pas (ah bah oui c’est tellement chou une crevasse non ?), des alpinistes qui ont une tête de déterrés, mais le Petit Cervin pas loin et son rivella qui m’attendent !

Peu avant midi, nous arrivons donc au terme de notre course. Quel beau week-end. Quelle chance de pouvoir vivre tout ceci. Je sais, je me répète. Mais je souhaite à tous de vivre de tels moments de bonheur, de se sentir plus vivant que jamais, et d’apprécier chaque moment. Ah oui je sais tout ça sonne très pompeux. Lorie aurait même pu en faire un refrain. Pas grave. Des fois, ça fait du bien de ne pas se poser 10’000 questions et d’être un peu dans les clichés. Merci à mes guides, à mon Guillaume et à mes montagnes de m’accepter telle que je suis. Même si je fais ma possessive pour le coup, je vous kiffe.

Un petit pincement au cœur, puisqu’il s’agit ici des dernières courses d’altitude pour la saison. Je n’aime pas faire les bilans. Ça m’angoisse toujours. Mais celui-ci est pas mal pour le coup. Une bonne petite remise en question, de magnifiques courses toujours en bonne compagnie, de beaux moments partagés. Même l’échec de l’Obergabelhorn finalement m’a aidé à mieux apprécier les courses suivantes. Finalement, y a pas à dire : la vie est bien foutue.

 

 

 

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