Pain de Sucre – Zucherro

Dans mon dernier billet, je vous faisais part de mes doutes et mes questions existentielles : continuer ou non le blog. Hé bien nous avons reçu un tas d’encouragements et ça nous a beaucoup, beaucoup touchés. Et je dis ceci sans ironie hein. Vraiment. Merci à vous. On va donc continuer à écrire des trucs débiles et à vous faire des théories sur tout et rien, et un peu quand même sur la montagne.

Cette introduction vous a été offerte par la SBAHR (Société des Blogueurs Alpinistes Hésitants mais Reconnaissants).

Guillaume et moi avons profité de l’été pour faire quelques voies en montagne. Le mois d’août a été fabuleux (j’écris ça le premier jour d’automne et je suis déjà nostalgique. Mon Dieu.La soupe à la courge, les écharpes, tout ça. Ça va être long ces prochains mois). On a une contrainte : faire des courses à la journée et être de retour à 18h à la maison pour récupérer le moineau (vivement qu’il se mette à la grimpe. Ça commence à quelle taille, les chaussons de grimpe ?)

Guillaume me propose le pain de sucre. Je me vois déjà au Brésil siroter une caïpirinha. Mais ça fait un peu loin. Ah non. C’est une voie ? Beup. Comme ça… ça fait pas complètement rêver. J’imagine une sorte de talus un peu ovale avec des petites pierres superposées. Et je regarde les photos de Gervaise et Jérôme qui y sont allés. Il n’y a pas de caïpirinha (tout fout le camp) mais cette course a vraiment l’air jolie, bien aérienne et sauvage. Tout sauf un talus brésilien, quoi.

Commençons par la fin : on est arrivé au sommet. Et franchement, c’était pas mais alors pas du tout gagné !

D’abord, on se parque après le relais du Grand St-Bernard, en Italie. Jusque là tout va bien. Il fait déjà super chaud. On prépare nos sacs et hop, on rejoint le chemin. Oui, on est comme ça. On y va gaiement, sans trop relire le topo, sans regarder une boussole, sans se demander si on est sur le bon chemin. Enfin si. On se pose cette question après 30 minutes de marche.

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Bien entendu, on est complètement à l’ouest (ou à l’est, enfin bref. On est complètement faux) et il nous faut revenir sur la gauche pour espérer rejoindre le col. Je vous dis pas. On traverse les prés, les éboulis, il fait 80 degrés, pas de vent, et je me dis que vraiment, demain j’arrête la montagne et je me mets au golf. Avec la petite voiturette, le Perrier bien frais et l’ombrelle.

Bien sûr, on explose l’horaire. On commence à se dire que c’est pas gagné… On arrive quand même au col, et de là il reste un petit bout pour aller au pied de la voie. Mais c’est bien pentu, dans l’herbe, on peut pas tant se tenir, si ce n’est aux mottes d’herbe… bref… le bon gros plan foireux. Guillaume me propose qu’on s’encorde et j’accepte sans hésiter. Ça monte, ça monte… ça n’en finit pas.

Je vous la fais courte, mais on arrive au pied de la voie. Enfin au pied de la 3e longueur, si vous voulez tout savoir. Parce que mauvais comme on est, impossible de trouver le départ de la voie. (Je vous l’avais dit que c’était pas gagné !)

Guillaume grimpe la première longueur (enfin, la troisième, vous suivez). Ça part dans une sorte de fissure, c’est vraiment chouette et ça grimpe bien. On fait ça en grosses et ça va bien. C’est joli, ça grimpe bien comme il faut.

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La longueur suivante est super aérienne et très photogénique. En général, mon vertige et moi ne sommes pas friands de ces rasoirs, mais là je m’en sors relativement bien. Et faut dire que c’est sacrément joli, ici, et qu’on est seuls au monde !

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Ensuite, on galère longtemps pour trouver le départ de la longueur suivante. Gauche ? Droite ? Guillaume tente tout droit, mais il  n’y a rien pour protéger… il revient sur ses pas… On scrute les moindres indices sur camptocamp, on essaie de repérer les photos, et finalement on en déduit qu’il faut aller tout droit.

Ça grimpe toujours bien, juste comme il faut, et on teste quand même bien chaque prise… On arrive au sommet. Je me dis que c’est super, qu’on est dans les temps. Ouais sauf qu’en fait, on est au premier sommet. L’arête Zucchero, comme ils l’appellent (je pense d’ailleurs qu’il s’agit ici d’une conspiration des chanteurs italiens, pour te mettre dans la tête des chansons dont il est impossible de se débarrasser) amène à un premier sommet. Mais il faut le redescendre, puis aller vers le fameux pain de sucre et sa horde de danseuses brésiliennes.

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On hésite vraiment longtemps avec Guillaume. Est-ce qu’on y va ? Est-ce qu’on sera à l’heure à la maison ? Est-ce qu’il ne fait pas trop chaud ? Est-ce qu’on est plutôt caïprinha ou mojito ?

Le cœur vaillant, nous décidons de tenter le coup, en plus on a lu que les 3 dernières longueurs sont les plus belles.

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Alors pour les 2 premières, c’est effectivement super joli. Et en plus c’est enfin à l’ombre. Bien raide, même un peu en dévers.  Je rejoins Guillaume qui est vaché sur le relais, lui-même installé sur une dalle inclinée. Ça fait une très jolie photo.

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Quand j’arrive à sa hauteur, je remarque qu’il y a un vide entre la dalle et le ressaut suivant. Guillaume se met au bord de la dalle, tend son bras (Guillaume a des bras de 3m50 hein…) et même pour lui ça a pas l’air évident. Un éclair de lucidité me fait dire que ça ne va pas être tout simple.

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Doux euphémisme. L.A G.A.L.E.R.E. je m’approche du bord, mon vertige n’est pas d’accord, mais alors pas DU TOUT d’accord de me laisser continuer. Je décide donc de me retourner et de montrer mes fesses au vide plutôt que ma tronche apeurée. Je tente la désescalade, mais il n’y a rien pour les pieds. Je commence à crier. Que j’y arrive pas. Que c’est trop dur. Et ensuite, vient le mantra « j’y arrive pas », décliné tantôt de manière hystérique (imaginez les cris stridents, je crois que les moines de l’Hospice et les fermiers du val d’Aoste m’ont entendue.. .) tantôt de manière agressive quand Guillaume me dit de me bouger les fesses.

Il y a un parapente qui nous survole, je pense qu’on lui a offert un moment unique, un show hilarant. La complicité du couple, le moment de partage, la bienveillance, le calme de la montagne, tout ça. Quoi. Ha ha ha. J’en ris encore. Ça a été un festival d’injures (Guillaume ose me dire de me mettre à la via ferrata. L’ingrat.)

Finalement il me dit de mettre une dégaine sur le relais et de venir à lui. Sauf que la dégaine m’empêche de progresser. Bon, je l’enlève et dans un éclair de lucidité, je me décide à affronter mon destin de face. Je m’approche face au vide, j’arrête de respirer (soit parce que je crie, soit parce que je suis mortifiée, je me rappelle plus vraiment) et je fais ce fichu mouvement tant redouté.

Ouf. J’y suis. Ne me demandez pas comment. L’ultime effort du désespoir, j’imagine.

Il y a encore une traversée à faire, sans vraiment de prise pour les pieds, mais contre toute y attente j’y arrive facilement. Faut dire que je suis encore mortifiée par le mouvement d’avant et que je rumine toutes les injures que je dirai à Guillaume une fois que je serai à sa hauteur. AAAAAAh. La montagne, ça vous rapproche.

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J’arrive enfin vers lui et bon, il s’excuse, ça me coupe dans mon élan. Et l’heure tourne, on n’a pas le temps  de toute façon pour les grandes discussions. On ne tarde pas et on commence à descendre. On croise des chamois (qui me disent, avec un clin d’œil, que je suis bien meilleure en désescalade qu’en via ferrata), je ne vais pas aussi vite qu’eux mais j’ai tout de même un bon rythme. En moins d’une heure on est à la voiture (youpi ! Pour une fois qu’on met moins de temps que dans le topo).

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En conclusion ? Un bien joli pain de sucre, surtout bien animé en ce qui concerne la dernière longueur. Prenez-le DE FACE hein, et en toute sérénité, un peu comme moi. Surtout, un bon souvenir. C’est ce que j’aime en montagne : les moments foireux sont, souvent, après-coup (j’insiste sur le « après-coup »), les plus savoureux.

Après un faux départ, un non-trouvage de début de voie, un blocage dans la dernière longueur, on y sera quand même parvenu. La magie de l’amour et des mots doux prononcés ce jour-là, sans doute 😉

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