Miroir d’Argentine

Enfant, je me rendais souvent à Solalex avec mes parents pour y manger au Restaurant du Miroir d’Argentine. Bien qu’étant encore peu sensible aux charmes de la nature et surtout déçu que le restaurant ne propose pas de frites, j’étais malgré tout à chaque fois impressionné par cette immense face qu’on appelait le Miroir d’Argentine.

Ce nom m’intriguait. Pourquoi Miroir ? Pourquoi Argentine ? Quel rapport ? Ma meilleure supposition était que depuis là haut on y voyait tellement loin qu’on pouvait y apercevoir l’Argentine…

25 années sont passées pendant lesquelles j’ai appris la véritable signification du nom, ou encore a apprécier son restaurant malgré l’absence de frites, et surtout je me suis mis à l’escalade. Du coup en ce lundi 31 août 2015 je m’apprête avec Elise à gravir ce mythique miroir.

Quelques jours avant, nous étions avec Elise au Gross Diamantstock, et on s’était dit peu avant que si les conditions étaient toujours bonnes on pourrait aller tenter le miroir. Typiquement le genre de truc que tu décides avant de partir en course, mais quand t’es dedans ou quand tu en reviens, tu penses plutôt à arrêter la montagne, prendre 25 kg et te mettre au golf.

Pas de bol, comme souvent dans ce genre de situation, le beau temps vient compromettre nos plans de grasse mat’ et bouffe calorique. Il s’agit peut-être d’une des dernières belles journées de la saison, il faut donc en profiter.

Devant confier Renaud à sa grand-maman le matin même et ne voulant pas finir de nuit, nous optons pour une variante, c’est-à-dire partir dans les 2 premières longueurs de la voie normale puis rejoindre la voie direct. Ce qui nous permettrait de gagner une bonne heure sur la course qui est déjà considérée comme très longue.

Dans mes recherches sur le miroir, j’ai souvent entendu que la difficulté n’était pas tant technique mais plus liée à l’orientation et l’engagement. En effet, du fait que peu de spits sont en place, il arrive que l’on grimpe sans nécessairement voir le prochain point ; du coup c’est vite fait de perdre la ligne… Mais il faut surtout accepter de grimper avec des points très espacés, parfois de plus de 20mètres !

Heureusement, notre pote guide Jérôme, qui est allé au miroir quelques semaines auparavant, a pris soin de bien nous expliquer l’itinéraire de la voie grâce à un brillant croquis réalisé à la cabane du Diamantstock.

On est donc parés ! Lundi matin, après un largage du petit Renaud chez sa grand-maman, nous voici en route pour Solalex. J’ai la boule au ventre et je me refuse de poser mon regard sur le miroir qu’on aperçoit depuis Gryon. Etrangement, je ressens ce matin-là une certaine intimidation face à lui… Même au parking, j’essaie de ne pas trop m’y attarder. Je me dis aussi pour me rassurer que de face, les difficultés ont toujours l’air d’être pires et qu’une fois dedans, ça ira mieux.

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On s’équipe, je choisis scrupuleusement les friends qui viendront compléter le peu d’équipement en place et en quittant la voiture, en arrive une autre qui a l’air de contenir d’autres grimpeurs… ça a pour effet d’augmenter directement mon niveau de stress, j’ai vraiment pas envie de me retrouver les uns sur les autres là-bas dedans ou encore d’être le boulet de la voie avec tout le monde qui attend sur toi derrière.

Une heure plus tard, nous arrivons au départ de la voie. Pendant toute l’approche, j’ai le secret espoir que ce groupe aille dans une autre voie ou au mieux au champignon ! Malheureusement, ils viennent vers nous ! Il s’agit d’un guide avec ses 3 clients.

Je lui demande quelle voie il pense faire, et me dit « la direct »…eh merde… il aperçoit mon désaroi et me dit qu’il y a pas de souci, il ira dans la normale… ouff, sympa le gars.. on aura juste les 2 premières longueurs à partager.

Je pars donc dans la première longueur, assez facile. Elle remonte dans un dièdre, sans le moindre spit mais bon rien de difficile, ça met juste dans l’ambiance. Mais tout à coup j’entends le bruit d’un objet qui rebondit sur le rocher ! Mes clés de bagnoles !!

Trop pressé de partir dans la longueur pour prendre de l’avance, j’en avais oublié de mettre mes clés dans mon sac et de surtout de fermer le zip de ma poche… par chance, elles atterrissent aux pieds d’Elise ! Ben ca commence bien… heureusement encore que ce soit arrivé à la première longueur et pas à 23h dans la dernière longueur.…

Mais cet incident illustre bien mon état de febrilité du moment. Je suis au taquet, je suis en train de me mettre une monstre presssion avec ce miroir… Ce miroir que j’aurais jamais imaginé grimpé il y a encore 5 ans et là m’y voilà !

Je pars pour la 2e longueur, un tantinet plus dure, et ceci sous les regards du public derrière moi… Il y a un petit pas un peu patiné juste après le départ… J’hésite, je cherches les prises, j’ose pas poser mes pieds, bref je me mets gentiment au taquet.

Le guide me dit que c’est juste un pas et que la suite va mieux… Je me motive et je passe non sans bourriner… Je vais jamais pouvoir tenir les 10 autres longueurs si je grimpe comme ça. Faut vraiment que je me resaisisse ! Elise quant à elle paraît sereine, elle compense peut-être.

Heureusement, la suite me permet de reprendre un peu mes esprits, on arrive sur une large vire que nous remontons afin de rejoindre la voie direct, nous voilà tous seuls.

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Le challenge ici est de trouver la voie au milieu de 3 autres beaucoup plus dures. Vu mon peu de marge du moment, faut vraiment pas se tromper.

Je sors le croquis et les explications de Jérôme et je crois trouver le départ, par contre ça semble bien raide, voire un brin déversant… J’avais pas forcément envie de ça…

Courage, fuyons, je pars de nouveau avec le coeur battant à 100 à l’heure… je bourre un peu pour passer ce truc et me voilà sur l’immense dalle qui caracterise le miroir.

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Heureusement la suite se passe mieux, je prends de plus en plus mes marques et retrouve mes sensations, j’arrive même à y trouver du plaisir, enfin !

Heureusement parce que la suite demande de la tronche. Les points sont effectivement super éloignés et difficiles à trouver. Tu te retrouves souvent avec une bonne dizaine de mètres sans rien avoir mis. Du coup, dès que l’occasion se présente, je place un coinceur sur lequel je ne tenterais pas forcément une chute, mais psychologiquement ils font du bien.

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Elise suit derrière moi brillamment et fait même une longueur en tête malgré le gaz et l’immensité de la face. C’est vraiment classe, malgré l’absence de soleil il fait bon et les longueurs s’enchainent sans trop de problème.

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Nous arrivons ensuite à une nouvelle vire d’où part une légère fissure à suivre plus ou moins. Pour moi, il s’agit clairement de la plus jolie longueur, c’est fin, y a pas grand-chose pour les mains, tout passe par les pieds, mais c’est super plaisant. A part de nouveau le fait qu’il y n’a environ que deux spits sur toute la longueur… et pas toujours évident de compléter avec les friends car la fissure est trop petite.

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De là, il nous reste quelques longueurs et on entrevoit enfin la brèche de sortie !

On arrive au point où la voie directe rejoint la normale. De là, je vois différentes lignes qui partent en direction de la brèche, je pars dans ce qui me parait la ligne la plus logique, mais attiré par un spit, je prends trop à droite, du coup je crée un monstre tirage avec les cordes. J’ai l’impression de tracter un cadrave derrière moi… Quelques cris et traversées foireuses plus tard j’arrive au relais.

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Il nous reste une longueur pour sortir ! Selon le topo, il y a 2 variantes :, soit direct dans la partie raide ou en la contournant dans du plus facile. Inspiré et désormais en confiance, je passe tout droit, plus raide mais avec des bonnes prises, ça change du reste. Je passe au soleil et la vue se dégage sur le Grand Muveran, me voici au sommet du miroir ! Elise me rejoint. Beau, on l’a fait !!

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Mais malheureusement ce n’est pas complètement terminé, il nous reste à traverser l’arête pour rejoindre le sommet de la haute Corde… Certaines cordées enlèvent la corde à partir de là mais nous préférons la garder, même si c’est facile, faut pas s’encoubler.

Par contre pensant la traversée plus courte, on perd énormément de temps à ravaler les 2 cordes de 60m à chaque arrêt. J’aurais dû ranger une des deux corde et faire une réserve avec l’autre.

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Malgré ça on rejoint le sommet de la Haute corde, il est 16h45, nous profitons de faire une bonne pause et prendre le temps de réaliser un peu plus ce qu’on vient de faire.

La descente sera comme souvent interminable jusqu’à la voiture mais récompensée par des bonnes frites du restaurant avec un coucher de soleil sur notre aventure du jour.

Guillaume

 

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