Kilimanjaro (5892m)

Septembre 2011

La vie, c’est fait de trucs un peu inéluctables. La première dent qui tombe, le premier slow, la première gueule de bois. Et le cap des 30 ans. Déjà que je ne suis pas fan des anniversaires, je ne vous raconte pas la perspective de changer de décennie. Les 30 ans et tous les stéréotypes qui vont avec ; l’autocollant « baby on board », la voiture familiale, la villa saumon et les balades au bord du lac le dimanche. Autant dire que je n’avais pas l’image la plus rock’n’roll des trentenaires.

Mais la vie est bien foutue. Elle m’a fait rencontrer Guillaume, qui m’a montré qu’on n’avait pas besoin d’entrer dans tous les clichés pour réussir sa vie ou être heureux. Et il a eu cette géniale idée de cadeau pour mes 30 ans : m’offrir le Kilimanjaro.

Quand j’ai vu sur la carte « Tanzanie », je me suis mise à rêver de safaris (avec ma référence du roi Lion, de Simba et de toute la clique). Chouette, parce que le safari était prévu dans le programme ! Et puis quand j’ai vu « Kilimanjaro, 5980 mètres », j’ai plutôt eu cette image du film « les survivants », avec des types qui luttent pour survivre dans les tempêtes de neige. 5980 mètres, c’est quand même sacrément haut. Va falloir monter jusqu’au sommet ? Ah ouais quand même.

Départ donc la veille de mon anniversaire avec nos gros sacs North Face, tous neufs. On a presque l’impression d’être les nouveaux Mike Horn et de partir en « expé », comme disent les gens cool qui font de la montagne.

Le trajet en avion est quelque-peu mouvementé. Une correspondance ratée et quelques péripéties plus tard, nous arrivons au pied du Kilimanjaro. Nous faisons la connaissance d’un couple de Belges qui se sont mariés quelques jours plus tôt et qui font leur lune de miel en Tanzanie. Kilimanjaro, safari et Zanzibar à leur programme.

Ils sont vraiment super cool et quand ils nous demandent si on a pris des chaussures « spéciales » pour l’ascension, on a presque envie de leur demander si c’est un gag. On comprend que non quand ils nous disent qu’ils ont pris leurs baskets puma de ville comme uniques chaussures. Ah voilà. C’est pas comme si on allait à presque 6000 mètres non plus ! Noëlle, la jeune mariée Belge, va louer des chaussures de montagnes aussi légères et sophistiquées que celles de mon arrière arrière arrière grand-père, taille 41 (elle fait du 39, mais ce serait pas drôle sinon !)

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Nous on est super bien équipé (faut dire qu’on sait où trouver le top niveau équipement) et c’est le lendemain que les choses sérieuses commencent !

Nous avons choisi la voie Machame, moins fréquentée paraît-il, mais sans lodge (ceci explique peut-être cela). Vive le camping quoi ! Nous arrivons à l’entrée du parc national, il fait environ 25 degrés, et nous faisons la connaissance de notre équipe. Ils sont beaucoup. Mais vraiment beaucoup. 12, selon le décompte officiel. Entre le guide, l’assistant guide, les porteurs, celui qui s’occupe de la tente, le cuisinier… bref, on a un peu l’impression de partir pour une rando avec tout un village et c’est assez drôle.

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Il y a le fameux panneau qui nous fait comprendre que s’attaquer au Kili c’est pas faire une balade du dimanche au bord du lac (même à 30 ans). Nos affaires sont empaquetées et hop, les premiers porteurs filent devant nous.

Les 3 premiers jours sont vraiment tout tranquille. C’est un sentier qui monte gentiment. Ah parce que oui. La devise au Kili c’est le pole pole. Qui veut dire « gentiment gentiment ». Et le concept du « gentiment » c’est un sacré concept. C’est un peu notre garantie de ne pas se griller et d’avoir nos chances pour atteindre le sommet. Oui mais les premiers jours, on doit toujours freiner et ralentir. On apprend à faire les paresseux et je dois dire que ça me va bien. Je deviens une adepte du pole pole.

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Notre tente est top et la nourriture aussi. Rien à redire ! Le paysage varie, la jungle luxuriante fait place à une végétation plus timide, et nous arrivons carrément après le 3e jour sur de la caillasse, à plus de 4000 mètres.

Nous commençons à voir des touristes franchement pas au top de leur forme et ça sent méchamment le mal des montagnes pour certains.

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Nous on continue tranquillement, pour l’instant tout va super bien. J’avais lu que le jour du sommet était clairement le plus difficile. C’est donc le ventre noué que nous partons dans la nuit pour la dernière ligne droite. Environ 60 touristes nous précèdent ; nous sommes les avant-derniers à partir (on pourrait presque dire les derniers, puisque les vrais derniers rebrousseront chemin assez rapidement).

On voit les petites lampes frontales au loin, telles des lucioles (mais des lucioles qui vont pole pole !) et on rattrape gentiment du monde. Il faut dire que le Kili n’a rien de technique, c’est globalement un sentier, et il n’est pas rare de voir des touristes là-bas aussi à l’aise sur une montagne que moi sur une planche de surf.

On en voit redescendre, quasiment porté par les … porteurs (d’ailleurs, je crois que je viens de comprendre la notion première de leur définition et de leur job). La situation est tragicomique (tragique pour eux et comique pour nous j’aurais presque envie de dire). C’est par contre difficile de doubler les touristes qui sont au stade avancé du pole pole (comprenez : ceux qui marchent aussi vite qu’un paresseux après 10 ans d’hibernation). Ils font du surplace et on doit couper dans la caillasse pour les dépasser. Ça me plombe bien les cuisses et mon souffle, mais bon on avance bien…

Je commence par contre à avoir bien froid. Je sors donc la doudoune que m’a prêtée celle qui est devenue une vraie amie (mais ça c’est une autre histoire). Sacrée doudoune, elle me réchauffe instantanément et ça va tout de suite mieux !

Par contre, impossible de remettre mes moufles-de-survivor-qui-résistent-à-moins-30-degrés. J’imagine qu’avec l’humidité et l’altitude, mes doigts ont gonflé ou les moufles ont rétréci ; enfin bref, je n’arrive plus à les enfiler et je commence à avoir les doigts glacés… finalement j’abandonne, je mets mes mains en boule dans la première partie des moufles. Impossible du coup de tenir mes bâtons. Guillaume me les porte, et je commence à trainer de pieds.

Le syndrome pole pole des gens en bout de course (et de souffle) me rattrape gentiment… ça commence à manquer d’air par là…

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Et puis bon, comme la marche à ce côté chouette du « tant qu’on marche on avance », on se retrouve au pied du cratère. Wow ! C’est magnifique… comme quoi les neiges éternelles du kilimanjaro, c’est pas qu’une chanson pourrie ! Non là ça prend tout son sens, en plus avec ce lever de soleil juste sublime… c’est vraiment un moment magique, le décor s’illumine petit à petit autour de nous, et change de lumière à chaque seconde. On se sent petit, fragile et fort en même temps du chemin parcouru.

J’ai une chance incroyable de connaître Guillaume, d’avoir quelqu’un qui m’offre ce cadeau si unique et me permet de le partager avec moi.

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Mais ce n’est pas tout… il reste quelques mètres pour aller jusqu’au sommet – l’Uhuru Peak…. Et quels mètres ! Contrairement aux apparences, on n’est pas tout près… J’avance vraiment lentement mais j’avance quand même, en suivant Guillaume pour qui ce Kili semble être une balade de santé. Oui je sais tout ça est cruellement injuste.

Enfin bon, on avance inexorablement, et juste avant le sommet on revoit nos 2 amis belges ! Incroyable !! Lui est heureux, avec ses petites puma, et elle aussi, avec ses chaussures du XVIIe siècle. Ils l’ont fait ! Un couple incroyable qui me donne une sacrée leçon. Si eux y arrivent, je peux le faire aussi. Tout est une question d’état d’esprit.

On arrive au sommet et je suis très émue. Mais il y a du monde et c’est un peu le combat de catch pour se mettre devant le fameux panneau pour la photo…. Je déteste ça et ça enlève un peu de la magie. Enfin bon on fait quand même la traditionnelle photo et ça reste fort. On prend « Hibou » avec nous sur la photo. Hibou, c’est notre petit totem qui nous suit et qu’on photographie dans tous les moments forts de notre vie ! Un peu comme Amélie Poulain et son nain de jardin.

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Et puis on s’éclipse un peu pour profiter du paysage. J’aimerais rester là à contempler la mer de nuage et ce glacier impressionnant, mais notre guide est pressé de rentrer et m’ordonne d’y aller… Je suis trop bête, et peut-être trop étourdie par l’altitude pour lui dire non. Je commence à marcher, mais Guillaume a la bonne idée de rester au sommet pour prendre des photos. (Heureusement que mon amoureux sait faire de belles photos ET porter mes bâtons, sinon ma vie serait un champ de ruines).

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Nous redescendons au camp. La descente est rapide, nous sommes dans les premiers à arriver au camp. Toute l’équipe nous félicite et nous sommes heureux du chemin accompli. Normalement, la descente se fait sur 2 jours, mais on a hâte de retrouver une douche et un vrai matelas… nous décidons donc de redescendre d’une traite. 4600 mètres de dénivelés négatifs, autant vous dire que nos genoux adorent. La descente, comme toute bonne descente qui se respecte, est longue, très longue. Mais ce ne serait pas du jeu sinon !

Nous regagnons enfin la voiture et nous sommes heureux de nous assoir ! Un coup d’œil à gauche pour dire au revoir au Kili. Nous voyons son sommet enneigé et c’est fou de se dire qu’on y était il y a quelques heures ! Comme quoi même avec du pole pole, on peut en faire des choses en une journée !

Le soir, nous retrouvons nos amis belges autour d’une bonne bière et d’un petit plat dans un joli resto. Des irlandais nous demandent si nous allons faire le Kili. Ah ben ça c’est fait, on était au sommet ce matin…

J’ai 30 ans et j’ai fait le Kilimanjaro. J’ai 30 ans et toujours pas de villa saumon. J’ai 30 ans et je suis heureuse et chanceuse.

 

 

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