Allalinhorn (4024m)

Le ski de rando et moi, c’est quand même une relation sacrément compliquée. Après le Mont-Blanc par les 3 monts où j’avais presque vu ma vie défiler tellement j’avais souffert, je m’étais dit qu’il faudrait continuer l’entraînement en 2013…

Après des vacances en Birmanie et ses quelques 30 degrés, retour au pays des neiges en janvier. L’une des premières sorties, d’à peine 1000m de dénivelés, est un véritable enfer. J’ai des cloques, je fais 5 mètres et je m’arrête, je tire une tronche pas possible, mélange de je-suis-éblouie-par-le-soleil, je-souffre-le-martyre, je-dégouline-de-partout-et-la-sueur-me-pique-les-yeux. Niveau glamour on repassera. J’arrête de compter les gens qui me dépassent après 10 minutes. Soupir.

C’est quand même ingrat, toute cette histoire. Mais je ne lâche pas le morceau, et Guillaume, mon super amoureux coach incroyable, nous fait un programme de sorties. Chaque week-end, j’enfile mes peaux, mes chaussures, et je monte lentement, inlassablement… c’est dur, j’ai toujours cette impression d’être le boulet plein de sueur qui se fait éternellement dépasser, mais vu les sommets qu’on souhaite faire cette année, on a intérêt à bouger notre graisse !

L’idée est de faire quelques 4000 à ski au printemps, et d’ici là, Guillaume me lance le projet de faire un « 4000 facile », les 2, sans guide. Wow ! ça peut être sympa oui, mais heu… que les 2 ? Non parce que bon, même sur un 4000 facile, y a des crevasses, des séracs, enfin tous ces trucs moyennement sympa quoi… Mais c’est Allalinhorn, à part vous faire passer pour un épileptique quand vous prononcez son nom, ce sommet offre un sacré avantage : on le fait à la journée > pas de nuit en cabane. Le rêve pour la phobique des cabanes que je suis (les lecteurs avertis diront alors : mais pourquoi, si tu n’aimes pas les cabanes, tu fais de l’alpinisme ?! Oui je sais. Je suis remplie de paradoxes. Et sûrement un peu maso aussi.)

Renseignements pris auprès de Jérôme, notre top guide, on peut le faire s’il y a des traces. Départ donc de la maison à 4h30 en ce lundi de Pâques. Ça fait quand même tôt… Nous sommes à Saas Fee à 7h45, il fait… -8.5 degrés à 1800 m. Heureusement que j’ai pris toutes les couches, parce qu’au sommet il risque de ne pas faire chaud. Départ pour les installations, télécabine, métro alpin, et hop, nous voilà propulsés à 3500m d’altitude. C’est sûr que niveau marche d’approche, j’ai connu plus éreintant. J’ai lu que ce sommet facile est très couru, et j’attends à voir une autoroute de petites fourmies au loin… Mais pas ce jour-là ! Pas de trace ! Aïe. … Et bon, comme on n’a pas forcément envie de se foutre dans une crevasse ou d’ouvrir une nouvelle voie face nord, nous décidons d’attendre qu’une âme charitable parte avant nous et fasse la trace. À chaque débarquement de skieurs, on scrute les hypothétiques piolets qui sortiraient des sacs à dos. Quelques timides alpinistes arrivent au compte-goutte. On se regarde tous un peu de biais, presque en se poussant des coudes en lançant un « non mais vas-y toi en premier ». Finalement, quelques alpinistes bien braves et surtout bien moins paresseux que nous ouvrent la voie. On les regarde, perplexes, depuis la station. Ils n’avancent pas bien vite, mais alors vraiment pas bien vite. D’autres emboîtent leur pas, enfin leurs traces quoi.

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On décide de les suivre, sans se mettre la pression. Les premiers alpinistes qui tracent ont l’air de galérer, mais on se dit que quitte à s’être levé à 4h30 et avoir fait autant de voiture, autant tenter le coup. Mais on ne parie pas bien cher d’aller au sommet… En sortant du métro alpin, il y a un vent glacial qui nous fouette le visage. Je remercie l’inventeur de la balaklava et je m’emmitoufle au maximum, en collant Guillaume au plus prêt. Après un premier petit bout à plat qui longe les pistes, on amorce la montée et les corps se chauffent en même temps que le vent se calme. La neige est vraiment bonne, fraîche, et les traces sont parfaites. Le miracle se produit : j’avance. Et sans souffrir. On avance plutôt très bien même, rattrapons quelques personnes et nous nous retrouvons rapidement au col.

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De là, la vue est juste sublime. Je ne m’attendais pas à un tel panorama. Aucune trace, un ciel bleu (la bise a ses avantages), le Cervin en face, qui nous fait un clin d’œil… Niveau souffle, tout va pour le mieux. 200m environ avant le sommet, nous nous arrêtons pour enlever les skis et mettre nos crampons. Il y a quelques jolies plaques de glace et nous préférons être prudents. Bien sûr, j’avais mal réglé mes crampons et je galère à les ajuster à mes chaussures… et surtout, je gèle ! Le vent souffle à nouveau très fort et malgré mes sous-gants j’ai vraiment froid aux mains.

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Nous repartons, Guillaume fait le pas du guide à merveille, nous dépassons quelques personnes qui commencent à sentir l’altitude. Le sommet n’est pas très loin mais j’ai une méchante débattue… La débattue, c’est vraiment toujours la même chose : dès qu’on la chope, on se dit que c’est fou d’avoir oublié si rapidement à quel point c’est douloureux. De très longues minutes passent pour que la douleur s’estompe et que je puisse à nouveau empoigner mon piolet magique. On repart, d’un bon pas, vers ce sommet. Oui c’est un sommet facile, oui il n’y a que 600m de dénivelés, mais je suis super heureuse d’y arriver, avec Guillaume comme guide. L’arrête sommitale et assez courte mais très jolie, le panorama est sublime, la croix se rapproche. Mon moment préféré.

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Si je n’avais pas la tronche anesthésiée par le froid, je pense que je sourirais vraiment. Mais arrivée à la croix, malgré l’émotion, je n’ai qu’une envie : redescendre et se mettre à l’abri du vent. La descente en crampons se passe super bien. Quelques téméraires sont venus au sommet en ski, ça a l’air de bien passer. Mais en arrivant vers nos skis, nous voyons des alpinistes qui galèrent à faire des conversions sur les plaques de glace… Il y a même une cordée qui glisse de quelques mètres et atterrit sur une jeune femme absolument terrifiée qui n’ose plus bouger et bloque le passage.

De notre côté, nous enlevons nos peaux, nos crampons et nous préparons à la descente. La poudreuse est vraiment belle et légère, c’est un vrai bonheur de descendre dans de telles conditions. Ça change de la descente du Mont Blanc, ça c’est sûr ! Nous rejoignons rapidement les pistes, et hop, 1500m de descente sur les pistes, ça s’avale quand même bien plus facilement et mes cuisses me remercient à l’infini. Un petit stop dans un resto sur les pistes pour une bière et une pizza, et on continue notre descente jusqu’à Saas-Fee. Si toutes les descentes des 4000 étaient aussi rapides et faciles quand même…

Bref, une jolie course, pas longue et belle. Le froid a finalement été notre allié, il a dû en décourager plus d’un à faire l’Allalinhorn… ça a été notre chance : être presque seuls au monde, dans un paysage immaculé, entouré des plus belles montagnes. Tout ça sans marche d’approche. Je sais, c’en est presque indécent.

 

 

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